Le voyage a été laborieux car je n'arrêtais pas de m'arrêter. J'aurais pu en caler des centaines dans ma boîte car il y en a des milliers.Ces vallées sont très peuplées. Ce sont des trésors au milieu des nouvelles constructions qui sont entrain de ruiner le paysage. Les industriels ont trouvé un produit qui ravit les roumains des couverture pour les toitures, en PVC je suppose. 3 couleurs primaires : rouge, jaune et bleu. Un rêve, le jeu de Lego. Les montagnes sont entrain de se "legotomiser"
Les temps changent à toute allure, les paysages se modifient avec l'urbanisation et le changement climatique. Arrivée dans la vallée après avoir franchi les Carpates, j'ai été consternée devant ce lit de rivière ensablé. Surconsommation d'eau, réchauffement climatique? Je voulais en avoir le cœur net : il fallait interroger un(e) habitant(e) du bourg, une personne jeune qui parle anglais puisque je connais seulement 3 mots en roumain.
J'ai arrêté une jeune femme qui traversait la rue. Elle a été surprise par ma question. Elle pensait évidemment que je cherchais une direction. Ana Maria m'a répondu dans un français impeccable. Elle a fait ses études à la Sorbonne et est professeur d'arts plastiques. Nous avons fait un bout de chemin ensemble puisqu'elle sortait d'une école pour rentrer chez elle à quelques kilomètres de là (elle intervient auprès des classes pour gagner sa vie et élever seule ses deux enfants). J'aurais bien passé la soirée avec elle, mais elle n'a pas osé et moi non plus. (la réponse à la question sur l'état de la rivière, je ne l'ai pas eu. Ce n'était pas dans ses préoccupations et on peut le comprendre, ses enfants et ceux des autres lui mènent la vie dure).
J'ai roulé jusqu'à Iashe, ville roumaine à la limite de la frontière Moldave que j'ai franchie le lendemain. Là, le passage des frontières a commencé à devenir sérieux. La culture de l'ex URSS a laissé des traces. La grande gaillarde sanglée dans son uniforme qui m'a fait vider ma voiture, a commencé par me demander pourquoi je n'avais pas d'homme avec moi. J'ai eu, à ce moment là, le sentiment que les choses allaient être difficiles. Enfin, lorsqu' on peut communiquer dans la langue cela facilite vraiment les choses. A partir de la Moldavie tout le monde parle russe. Pour la frontière suivante, le soir même, à la sortie de la Moldavie, que j'ai traversée très vite (un camp de gitans à l'échelle d'un pays), le scenario a été plus compliqué (la photo floue est une photo volée). Ca fait bizarre un char d'assaut garé sur le côté. Pourtant les chapkas vert-bleu allaient à ravir à de jolies jeunes femmes blondes aux yeux clairs.
Moi non plus. Une surprise : 30km avant la frontière ukrainienne, une autre frontière et une frontière bien gardée (le tank c'est là!). Il s'agit en fait d'une petite république autoproclamée qui se situe entre la Moldavie et l'Ukraine. Un douanier galonné, étoilé et grognon m'a fait remplir quantité de documents qu'il a consciencieusement tamponnés avant de me libérer à une heure avancée. Si la république est une république fantôme, la ville n'en n'est pas une (ouf!). J'ai été prise en charge par le staff de l'hôtel le seul de la capitale Dubasarie) qui a compris mon désarroi (le mot est peut-être un peu fort) et lorsque j'ai fait remarquer à Marina (photo du centre) qu'elle me "coachait" carrément, elle m'a répondu qu'avec le socialisme ils avaient eu une bonne formation. J'ai même été invitée à une petite soirée et dansé avec Romane, le chef de la police. Il m'a donné ses coordonnées personnelles pour le joindre au cas où j'ai des difficultés pour sortir (on ne les changera pas!). Le lendemain matin les jardiniers de' l'hôtel avaient fait un petit tremplin pour que je puisse sortir ma voiture que j'avais la veille mise en mauvaise posture.
Sortir de la Transnitrie n'a finalement pas été un problème (dommage!), par contre le passage en Ukraine a été musclé. Les douaniers semblaient plus appartenir au GIGN qu'à la police des frontières. Pendant une heure tout a été systématiquement vidé, photographié, reniflé...J'étais toute seule et légèrement surprise . Lorsque j'ai posé la question "Pourquoi n'y a t-il personne à la frontière?" On m'a répondu tranquillement "Parce que c'est la guerre". En fait j'ai compris après : personne ne prend cette route pour rentrer en Ukraine parce qu' en plus du passage en Transnitrie ,il reste 200 km de routes impraticables, sans un village, sans un poste d'essence, sans un distributeur d'argent. C'est magnifique, ces grandes plaines vallonnées sur de si grandes distances, la terre ,noire, les herbes blondes et le ciel immense; pas un panneau publicitaire, pas une habitation rien qui parasite la vue. L'explication (je pense) la planification socialiste qui a tracé les routes à la règle d'un point à un autre sans prendre en compte les villages. Ils sont donc situés de part et d'autres de cet axe (environ 2-3 km). Je n'ai croisé que quelques rares véhicules qui zigzaguaient entre les trous comme si les conducteurs étaient ivres. Sur certains tronçons la route est complètement effondrée et forme des escaliers (on passe doucement en 1ere). Heureusement que la Transnitrie m'a évité le passage de nuit,.. et dire que j'avais pesté contre elle.
Kirovograd . J'ai pu tirer de l'argent ( Grivna en Ukraine, un euro= 27 Grivni, 1 minute de téléphone pour la France coûte 2 grivni et la pension d'un retraité est de 1000 grivni, soit environ 40 euros). J'ai fait étape à l'hôtel Europa en centre ville. C'est le plus bel hôtel de la ville, le seul où il y avait de la place. Une construction soviétique des années soixante dans le style art deco. J'ai adoré et regrette l'époque où l'on construisait avec de beaux matériaux pour le grand public. Les boiseries sont en bois massif et le marbre c'est du marbre, pas du kitsch comme dans les hôtels "de luxe " qui bourgeonnent dans tous les pays pauvres (et les autres). J'ai payé un prix faramineux pour l'Ukraine 350 grivni (le tiers d'une pension de retraité), 13 euros c'est-à-dire rien du tout pour une française. Pour ne rien gâcher le personnel était, là aussi, adorable. Au parking, j'avais laissé la vitre de ma voiture à moitié ouverte avec l'appareil photo sur le siège, mais Victor avait l'œil. En Ukraine ce ne sont pas tous des bandits.
"C'est comme ça que nous vivons" C'est la jolie phrase qu'a prononcé Louda en me faisant entrer dans sa maison. Le troupeau d'oie entre l'arrêt du bus et la nationale m'a quelque peu détournée de mon chemin. Lorsque j'ai demandé à la propriétaire de les photographier, la conversation s'est engagée. Louda m'a invitée à boire un thé chez elle, J'ai pu voir l'intérieur de ces petites maisons ukrainiennes et tous leurs accessoires ; une toute petite étable avec une vache, une porcherie avec un cochon, un poulailler, et encore d'autres cabanes à multiples fonctions... en résumé une ferme en miniature. Victor le mari de Louda est arrivé, tout aussi chaleureux, nous avons mangé des crêpes, massacré ce bandit de Poutine puis je suis repartie , après embrassades, avec 2litres de lait, un melon d'eau, un magnet pour le frigidaire et la promesse de repasser par là à mon retour l'année prochaine.