"Ici tout est gris,
Les murs, les esprits, les rats la nuit"
(IAM, demain c'est loin).
A croire que ces vers ont été écrits à propos de Phnom Penh.
Triste capitale, qui contraste avec les merveilles que l'on a pu voir au Cambodge jusque là.
On y a traîné les pieds sous une chaleur étouffante à la recherche d'un endroit sympa et accueillant. On a scruté le centre ville, passé chaque rue au peigne fin, mais franchement on n'a rien trouvé, à part le centre culturel germano-cambodgien, le Metahouse, où on s'est réfugiés plus d'une fois au moment des projections de documentaires gratuites.
Polluée, bruyante et dénuée de charme, cette ville nous a paru sinistre, à l'image de son Histoire. Elle en effet été le théâtre d'un des plus sombres événements du XXè siècle, l'épicentre du régime Khmer rouge, là où tout a commencé. C'était le 17 avril de l'an 1975, proclamée "année zéro".
Phnom Penh a durant près de quatre ans hébergé la plus importante prison secrète du pays (Tuol Sleng ou S-21), centre de détention et de torture, duquel "les gens entrent mais ne sortent jamais". Une partie de la ville a aussi servi de fosses communes où ont été entassés les cadavres de femmes, d'hommes et d'enfants, sauvagement assassinés suite aux "arrestations par filiation". Les dirigeants disaient alors : "couper une mauvaise herbe ne suffit pas, il faut la déraciner". Macabre métaphore...
La visite du musée du génocide (S-21) a été, comme vous pouvez aisément l'imaginer, éprouvante. En lieu et place de l'ancien lycée Tuol Sleng transformé en prison de haute sécurité, le musée est fait de telle sorte que nous déambulons, audioguide dans les oreilles, de salles de torture en cellules. Des photos tapissent les murs, on devine des corps d'hommes mutilés, éventrés.
Plaies béantes et marres de sang.
Elles ont été prises lors de la libération de Phnom Penh par l'armée vietnamienne, au début de l'année 1979. Dans leur fuite, les dirigeants de la prison auront laissé ces quatorze cadavres, une partie des archives de leurs exactions et sept survivants. SEPT.
Entre quatorze et vingt mille personnes ont séjourné à S-21. Parmi elles, seules sept ont survécu.
Nous découvrons ensuite les visages des suppliciés, pris en photo à leur arrivée à la prison et compilées dans des registres méticuleusement tenus. Une voix off nous raconte l'histoire de certains, des survivants témoignent, des tortionnaires aussi. Des instruments de torture sont exposés, des crânes, des vêtements et des tableaux de Vann Nath, un des sept survivants sauvé pour ses talents artistiques, qui dépeignent les atrocités commises.
Bref, le musée du génocide justifie malgré tout un passage à Phnom Penh ... seulement si vous êtes certains de pouvoir supporter ce qu'il nous apprend.
Il en va, nous semble-t-il, de notre devoir de s'y rendre. Et de transmettre l'histoire de ce peuple meurtri.