Après quelques jours bloqués à Quito à cause d'une vilaine bactérie, on file enfin pour la Colombie car le temps presse, notre autorisation de rester sur le territoire équatorien expire très bientôt.
Trois mois en Equateur sont amplement suffisants, le pays est petit, tout comme les distances entre les multiples lieux d'intérêt. Mais on y trouve de tout : une large bande côtière peu touristique, l'ambiance si particulière des villages andins, une magnifique capitale préservée et un gros morceau de forêt amazonienne dense. Niveau paysages on a été servis : plages de sable noir, lagunes d'altitude, páramos et leurs touffes d'ichu, chaines de volcans aux sommets enneigés, rivières à l'eau cristalline et selva primaire. On a aussi eu la chance de vivre des expériences uniques, d'observer une nature à couper le souffle (littéralement !) et de partager des moments privilégiés avec des femmes et des hommes extraordinaires.
On arrive en fin de journée à Ipiales, dont on n'aura vu que les alentours proches de la gare routière. Premier resto de bidoche fameux et premier dodo en Colombie. La pression retombe, le passage de frontières à pied était fortement déconseillé par le ministère des affaires étrangères français (on peut vous le dire maintenant, on en est sortis vivants !), et avec l'afflux de Vénézuéliens on craignait des tensions supplémentaires. Mais rien, on s'est sentis en sécurité et nos premiers contacts avec les Colombiens sont plus que cordiaux !
Dès le lendemain, direction Popayán, une ville coloniale à quelques 330 km d'Ipiales. Tranquille on se dit, on arrivera pour le déjeuner ! Penses-tu, on aura mis plus de dix heures pour rejoindre cette ville, avec des freins défaillants en guise de faux départ (un stop forcé qui n'a fait râler PERSONNE et permis aux passagers de faire connaissance ... bienvenue en Colombie une fois encore !) et une route en travaux sur toute la durée du trajet. On roulait à moins de 30 km/h de moyenne et PAS UN Colombien n'a eu la bonne idée de faire chier le monde encore plus avec des soupirs exaspérés.
Pas de découverte majeure à Popayán ce soir là, il fait nuit quand on arrive et on se couche tôt pour visiter le marché de Silvia le lendemain matin, qui se tient par chance tous les mardis. Silvia se mérite. Y accéder nécessite du temps, et un estomac bien accroché car la route est sinueuse. Mais Silvia mérite le détour, sans aucun doute. Ce petit village abrite un magnifique marché, parmi les plus beaux qu'on ait vu ces neuf derniers mois. Tout du décors laisse à penser qu'il n'a pas changé depuis plusieurs siècles : briques noircies par le charbon, pavé usés par les ans, cheminées qui crachent, vieux écriteaux, charrettes en bois et éternels sacs à patates. On y vend d'ailleurs la même chose qu'à l'époque : montagne de fruits et légumes, morceaux de viandes fraîches, panela et outils en tous genres. On peut aussi grignoter une "empanada de pipian" (chausson de maïs frit et fourré à la pomme de terre à la tomate et aux oignons) dans de minuscules petits kiosques, ou s'arrêter plus longuement pour un almuerzo de compétition, comprenant "ajiaco" (soupe de pommes de terre et poulet), viande en sauce ou au barbecue, salade, riz, haricots rouges et l'indispensable "tinto" (café colombien), le tout pour un prix dérisoire. Vous nous connaissez, "s'arrêter de manger lorsqu'on n'a plus faim" n'a pas vraiment été notre mot d'ordre depuis qu'on est partis, on s'est donc facilement laissés tenter par un riz au lait en dessert...qui ne détrôna pas celui de mon arrière grand mère, ni celui de Roumen d'ailleurs. Et c'est tant mieux !
Le plus fou à Silvia, au delà du marché, c'était les gens qu'on y a croisés. Appartenant à la communauté indigène des Guambianos, ces hommes et femmes descendent des plateaux environnants tous les mardis pour vendre leurs objets artisanaux et leur production maraîchère. Tous portent des tenues magnifiques, tissées à la main, de couleur bleue ou violette, et tous portent le chapeau et ... la jupe ! Ils ont beaucoup d'allure ces hommes au chapeau melon, avec leur jambes poilues qui dépassent. Atypique ! Les femmes aussi sont très belles : visage halé, longues tresses noires et chapeau de paille tissé ou de feutre. Pour la énième fois depuis le début du voyage nos deux têtes de blonds ne passent pas inaperçues, de vrais intrus dans le paysage ! Mais l'accueil est plus que chaleureux.
Sinon Popayán est une ville très sympa. On a vraiment apprécié s'y balader tranquillement à pied, sous un soleil toujours éclatant. A taille humaine, son centre grouille du soir au matin, d'activités diverses qui le rend si vivant : vendeurs ambulants, stands de street food, et même manifs d'étudiants. Cela fait plus d'un mois que les universités de la ville ont fermé leurs portes face à la révolte contre la hausse des frais d'inscription et la baisse des moyens et des effectifs d'enseignants. Et des universités il y en a beaucoup à Popayán, renommées en plus de ça ! Beaucoup d'hommes politiques, intellectuelles et poètes en sont sortis et des jeunes de toute la Colombie viennent y étudier. On comprend vite pourquoi, le cadre est extrêmement agréable ! Les bâtiments qui hébergent les facs sont absolument superbes, de quoi nous donner envie d'y retourner : architecture coloniale, murs blanchis à la chaux, patios arborés pour prendre son café entre deux cours en refaisant le monde ...
Outre les universités, c'est toute la ville, immaculée, qui éblouit. Entre deux murs blancs, on se rend d'une église à l'autre en empruntant des rues pavées, puis on s'arrête boire une limonade dans un park ou une bière dans un chouette bar. Pas de visite de musée, la "ville blanche" en est un à ciel ouvert !
Un sans faute pour ce début de séjour colombien, où nous allons passer les trois derniers mois de notre voyage.