La zone la plus à l'est de l'Equateur, "l'Oriente" comme elle est appelée ici, est peu peuplée, du fait de son climat, chaud et humide la majorité de l'année, mais surtout de sa topographie.
En effet, les régions de Morona Santiago, Pastaza, Napo, Orellana et Sucumbios (5 des 14 régions du pays, l'équivalent de 40% de sa surface quand même !) sont quasi exclusivement recouvertes de "selva", cette jungle Amazonienne d'abord secondaire puis primaire, qui devient de plus en plus épaisse et sauvage en direction du Pérou. C'est depuis Puyo, capitale du Pastaza qu'on a décidé de pénétrer la selva, et ce pour plusieurs raisons :
- Puyo est la porte d'entrée sur la jungle la plus proche de Baños (d'où l'on vient), accessible en bus en 2 petites heures seulement.
- les excursions ou séjours depuis Puyo sont beaucoup beaucoup BEAUCOUP moins chers qu'ailleurs, notamment parce qu'il n'est pas nécessaire de monter dans un avion 5 places ou une pirogue pendant des heures pour rejoindre les communautés qui accueillent des visiteurs, mais aussi parce qu'elles sont nombreuses à s'ouvrir au tourisme et que la concurrence fait là-bas aussi sont taffe en matière de baisse des prix.- enfin parce qu'un couple de Français rencontré à Guayaquil nous avait vivement conseillé de passer quelques jours dans une famille Shuar, membre de la communauté Iwia, installée à quelques dizaines de km de Puyo.
--> bref, vous comprenez pourquoi on n'est pas allés dépenser 1200 euros pour passer 3 jours dans le parc national du Yasuni (qui par ailleurs à l'air d'être vachement cool, perdu en plein milieu de la jungle, avec rien à part végétation luxuriante et animaux sauvages à des centaines de km à la ronde).
Le rdv est donc fixé avec Carlos, indien shuar qui nous accueillera pendant 3 jours, à 9h30 ce dimanche à la gare routière de Puyo. Pour aller où exactement, on n'en sait rien ... mais on a hâte ! On arrive la veille à Puyo, pressés de quitter Baños et de pouvoir profiter d'un super logement, réservé pour l'anniversaire de Théo. Chalet perso en périphérie de la ville, avec grandes baies vitrées qui surplombent la forêt, vols et chants d'oiseaux multicolores, poufs, hamac et lit plus large que long...j'avoue que j'étais pas peu fière de ma trouvaille ! Et pour couronner le tout, on a pu honorer la coutume instaurée au Vietnam de la "pizzanniversaire", grâce à un napolitain exilé qui nous aura bien régalés.
Le lendemain dimanche, comme prévu, Carlos nous attendait à la gare routière. Après de longues courses au marché, on charge le coffre du taxi de gros sacs de fruits et légumes et de deux gallons d'eau potable pour nos petits corps fragiles (eux boivent l'eau des réserves mais ils nous la déconseillent). Après un arrêt chez son pote pour goûter de l'alcool de canne à sucre produit sur place (très bon), puis encore 40 min de trajet sur des routes qui deviennent sentiers, on aperçoit enfin les premières maisons de la communauté Iwia. Il ne reste qu'un bras de rivière à franchir ! La tâche est rendue plus facile grâce à la nacelle installée il y a quelques mois qui relie les deux berges et permet une traversée sécurisée en période de crue. La végétation est luxuriante, l'eau du rio Putimi est limpide, les petites maisons de bois et le feu au milieu du foyer donnent vraiment envie de s'installer ! Surtout qu'on est chaleureusement accueillis par Fox, un chiot trop mignon et par Nina, 15 ans, la dernière fille de Carlos, seule à vivre encore avec son papa.
Le temps qu'elle nous cuisine un excellent repas, on s'installe autour de la table et Carlos nous livre quelques extraits de son histoire personnelle, intimement liée à celle de sa communauté. 100% Indio, né Shuar (les fameux "réducteurs de têtes") et Kichwa d'adoption, Carlos a toujours vécu dans la jungle, en harmonie avec la nature. De son origine modeste il a su tirer partie, en devenant fin connaisseur de son environnement, seul moyen pour survivre. Les plantes n'ont pour lui plus aucun secret, il s'en sert pour se nourrir, se protéger, se vêtir, se soigner, et se déplacer. Il est d'ailleurs champion dans la construction de pirogues, avec plus de 45 réalisations à son actif et bien évidemment de maisons, toutes édifiées en matériaux naturels. Il est aussi shaman et pratique les rites spirituels à l'ayahuasca ou au floripondio, en respectant les traditions de ses ancêtres. Carlos est un expert en linguistique, maîtrisant parfaitement cinq langues locales (le shuar, l'ashuar, le kichwa de la selva et le kichwa de la sierra) en plus de l'espagnol. Défenseur de l'histoire, de la culture et des traditions de ces peuples menacés d'extinction face aux tentations de la modernité, il a tenté de transmettre ses connaissances et sa fierté à ses descendants.
Père d'une famille plus que nombreuse, il a élevé avec sa femme leurs 18 enfants, dont les premiers sont nés quand ils étaient encore adolescents. Malgré les difficultés économiques certaines, Carlos s'est efforcé à leur offrir une enfance heureuse, en commençant par acquérir plus de 300 hectares de terrain de jeu. Devenus parents à leur tour, puis grands parents, la plupart de ses enfants ont choisi de rester vivre sur ces terres, se construisant leur propre maison. Cette grande famille de près de 100 personnes forme la communauté Iwia, créé par Carlos jeune patriarche et chef de tribu d'à peine 56 ans ! Iwia en shuar est le nom donné au démon de la forêt, petit hommage à ses racines dans une région majoritairement habitée par des kichwas.
Après un bon repas de tilapia (poisson), Carlos nous emmène en rando au travers de la forêt encore secondaire, jusqu'à un mirador, point culminant de son immense terrain. [ La forêt est dite secondaire lorsqu'elle est partiellement apprivoisée par l'homme, qui a réussi à y faire pousser quelques fruits et légumes ]. En chemin, il nous explique les vertus des plantes que l'on rencontre, nous parle des animaux qui ont fuit avec la construction des routes, de la somme dérisoire que le gouvernement lui propose en échange de ses terres, pour y extraire du pétrole. Il nous raconte aussi le décès de sa femme, blessure profonde dont les plaies toujours béantes peinent à cicatriser, six ans après. En quelques heures, on en connaît déjà beaucoup sur la vie de Carlos, digne d'un scénario de film. Il se livre facilement et partage ses connaissances avec plaisir, c'est vraiment passionnant.
Après deux heures de marche sur un chemin où la nature avait rapidement pris le dessus depuis la visite des derniers touristes, on arrive au fameux mirador, qui offre une vue splendide sur la jungle touffue, allant jusqu'à s'accrocher aux pentes du majestueux volcan Sangay. En redescendant on passe devant plusieurs maisons de ses enfants et petits enfants, et devant l'ancienne école de la communauté, dont les portes ont fermé sur décision de l'ancien président Rafael Correa, qui souhaitait par la réforme "escuela milenio" regrouper les écoliers des différentes communautés au sein d'une seule et même école, pour en limiter les frais et peut être aussi pour en uniformiser/contrôler l'enseignement. Cette décision avait été contestée par les premiers concernés, qui ont dû depuis trouver les moyens de financer le transport des enfants jusqu'à leur nouvelle école.
Arrivés aux cabanes juste avant la tombée de la nuit, on a à peine le temps de se rincer dans la rivière (pas de douche chez Carlos), puis on retourne autour du feu, non pas qu'il fasse froid, mais parce que c'est un endroit chaleureux, convivial, un peu comme notre salon à nous. Nina nous explique qu'allumer le feu est la première chose qu'elle fait en se levant, et qu'elle l'alimente pour qu'il ne s'éteigne pas avant qu'ils ne se couchent. Dans leur culture le feu est sacré, c'est une tradition shuar pour se protéger des mauvais esprits (et accessoirement des moustiques ! ). Nina s'occupe aussi de la cuisine, des plantations, des animaux, de l'entretien des cabanes, des lessives et ce depuis ses 9 ans. Après le décès de sa maman, elle a abandonné l'école de son plein gré, pour aider son père dans les tâches quotidiennes et partager sa douleur. Du jour au lendemain, la petite fille s'est envolée pour laisser place à l'adulte qui nous fait face, bien trop mature pour ses 15 ans.Nous rejoignent pour le repas Wilson, un des fils de Carlos, celui dont il est le plus proche, sa femme et leurs deux enfants, avec qui nous faisons connaissance à la lueur des bougies. Ils habitent la maison d'à côté, et vivent comme Carlos et Nina, en irréductibles indigenas, sans électricité ni arrivée d'eau pour se doucher. C'est un choix, que d'autres de ses frères et soeurs n'ont pas fait. Wilson ne rêve pas d'une vie en ville, il est heureux dans sa selva et élève ses deux garçons avec beaucoup d'application, loin des ravages des ondes. Il lui faut emprunter la moto d'un ami et rouler parfois jusqu'à 4h par jour pour se rendre sur les chantiers sur lesquels il travaille, mais c'est le prix à payer pour profiter d'un cadre de vie si apaisant. Il a passé sa jeunesse à vadrouiller dans la jungle avec son père, yeux et oreilles grand ouverts, il en connaît lui aussi tous les recoins. Il n'est pas rare que durant son unique jour de congé hebdomadaire, il emmène des touristes en rando pour rendre service à son père. Par chance, il sera notre guide demain ! On est super contents de pouvoir passer la journée avec lui, il a pas loin de notre âge et on a envie d'en savoir plus sur sa vie, qui n'a décidément rien à voir avec la nôtre. Les petits se sont endormis près du feu depuis déjà un moment, il est temps pour nous aussi d'aller nous coucher. Il n'est pas très tard mais il fait nuit depuis déjà 4h, et cette journée forte en émotions nous a épuisés. Chacun sous sa moustiquaire et à ciao bonsoir !
Ah oui, j'oubliais ! En fin de soirée on a fait griller sur le feu les larves que Carlos avait récupérées dans le tronc d'un palmier pendant notre balade. Elles sont grosses (vraiment !!), grasses, gluantes et se débattent dans tous les sens une fois attrapées. Elles se mangent cru, mais Carlos nous avait promis qu'elles étaient beaucoup plus appétissantes cuites au barbecue, on n'a donc attendu jusqu'au soir pour les empaler sur un bout de bois et les déguster chaudes. Franchement c'était bon ! Petit goût de lardon grillé qui ne laisse pas indifférent. (Théo a même totalement adoré !).
Qu'est ce qu'on dort bien dans la jungle !!!! C'est loin d'être le grand luxe mais on y dort mieux que dans un hôtel 5 étoiles (bon on n'a pas encore testé mais on s'en fait une idée !). Le chant du cucupacho nous tire du lit à une heure raisonnable ; cet oiseau fait un bruit irréel, mélange de goutte d'eau qui tombe au fond d'une grotte et de mélodie de flûte (haha impossible à imaginer !). Nicolas et Bryan les deux enfants de Wilson sont partis à l'école depuis un bon moment déjà, ils y passeront la matinée, puisqu'en Equateur, l'école ouvre 5 jours sur 7, de 7h30 à 13h. Leur maman, femme au foyer comme la plupart, sera présente à leur retour, Wilson nous accorde donc la journée. Le programme qu'il nous a concocté semble génial : rando jusqu'à la forêt primaire, observation de caïmans dans une de leurs lagunes, retour en pirogue, déjeuner puis partie de pêche, qu'on voulait absolument expérimenter ici. Après un riche petit dej, on part à l'aventure !
Tout se passe à peu près comme prévu, mais en mille fois mieux. Wilson est encore plus pédagogue que son père, et il en sait au moins autant sur la nature qui nous entoure. On découvre d'autres plantes que l'on n'avait pas vues la veille : on teste une sève cicatrisante, une vraie feuille de papier toilette ultra doux et un remède contre la grippe. Il nous montre comment réaliser une corde super résistante avec des fibres d'arbre et tout un tas d'autres trucs incroyables pour survivre en pleine jungle.
On aura même goûté par surprise des fourmis vivantes au goût acidulé, qu'on aura mangé et remangé tellement c'était bizarre et marrant ! Clou du spectacle, arrivés à un point stratégique, il nous demande de l'attendre ici et on le voit commencer à abattre un immense palmier avec sa petite machette ! Au bout de 10 minutes d'effort, l'arbre finit par tomber et Wilson nous ramène son extrémité supérieure, dans laquelle se trouve le fameux coeur de palmier ! La chair est blanche, fraîche et très très tendre, c'est délicieux. Le goût n'a rien à voir avec les mini coeurs de palmiers en bocaux que l'on trouve dans nos supermarchés. On en mange la moitié, le reste sera cuisiné par les filles pour le déjeuner.
Malheureusement pas de caïmans ce jour là, il fallait venir plus tôt quand le soleil brillait plus fort et qu'ils se prélassaient sur les bords de la lagune. On a suivi la trace d'un tatou qui nous mena jusqu'à son terrier, mais il n'y était pas. Par contre, on a pu voir de jolis oiseaux colorés, des phasmes géants et plein d'autres insectes, certains plus inoffensifs que d'autres !En parlant de bestioles pas très sympas, Wilson nous a raconté la fois où il s'était fait mordre par un serpent venimeux, un soir en rentrant pieds nus de chez son père. Conscient de la gravité de la morsure et souffrant le martyr, il appela une ambulance pour l'emmener d'urgence à l'hôpital. Son pied avait eu le temps de tripler de volume lorsque l'ambulance arriva enfin, trois heures après son appel. Le service d'urgence, surbooké lui aussi, l'aura fait attendre encore un moment, laissant empirer la blessure. Malgré les soins reçus à l'hôpital pendant cinq jours, le médecin lui annonça que son pied devait être amputé, car les tissus commençaient à gravement se nécroser. Refusant le diagnostic unanime des professionnels, il décida de quitter l'hôpital pour retrouver sa selva et tenter de se soigner par les plantes. Arrivé à Iwia après un trajet chaotique en bus avec son pied nécrosé (ce type est un malade !), Carlos lui prépara immédiatement un remède à base de floripondio, une plante sacrée, toxique et potentiellement mortelle si elle n'est pas manipulée par un chaman expérimenté. Des heures d'hallucinations et une nuit de sommeil plus tard, Wilson se réveilla sans douleur. Sa peau s'était miraculeusement reconstruite, ne restait qu'une légère marque à l'endroit de la morsure. L'après midi même, il alla jouer au foot avec ses amis !
Le retour au campement se fait en pirogue, que Nina et la femme de Carlos avait ramenée contre le courant jusqu'à nous. Le rio Putimi n'est pas très profond en ce moment, on reste bloqués par des cailloux à certains endroits. A d'autres, il nous faut écoper car l'eau s'infiltre par des petits trous dans la coque. Sur les berges, on voit défiler de magnifiques paysages, de la jungle rampante et les cabanes d'autres communautés. En arrivant, les bareuses nous cuisinent un repas de fête avec le coeur de palmier qu'elles émincent, mélangent avec des oignons du poivron vert et du thon, le tout cuit avec du riz, délicieux !
S'ensuit un départ sur les chapeaux de roues à trois sur la moto avec Wilson pour aller pêcher à l'explosif artisanal (ouais on est des fous !). Bon, au bout de quelques km la chaîne du bolide lâche, il nous faut, déçus, rebrousser chemin à pied. On se console avec de petites prises dans le rio Putimi à côté de la maison. L'explosion est impressionnante, elle tue des dizaines de poissons qui remontent à la surface et qu'il faut attraper avant que le courant ne les emportent trop loin. C'est pas une technique ancestrale, mais ça a de la gueule ! Du moins c'est efficace. Avec une bonne quinzaine de poissons dans ses poches, Wilson est de loin le vainqueur de la compétition, suivi par les enfants de la communautés voisine, qui ont rappliqué dans la seconde après l'explosion. Par contre il ne fallait pas compter sur Théo ni moi pour ramener à manger pour ce soir...4 poissons à nous deux, c'était un peu la honte !
On continue à en apprendre sur le fonctionnement de leur communauté, exemplaire dans la mise en oeuvre de la démocratie directe. Wilson en a été élu le représentant (l'équivalent de notre maire), mais toutes les décisions qu'il prend sont approuvées par l'ensemble de ses membres. Ce sont eux qui sont à l'origine de propositions et idées, qu'ils soumettent au vote. La dernière en date est relative à la manière de punir délits et crimes, puisque dans ces communautés indigènes, la justice est rendue directement par leurs citoyens. Ils édictent leurs propres règles en la matière ou agissent impulsivement, et policiers et juges ne s'en mêlent pas. Il n'est pas rare qu'un violeur ou un meurtrier soit roué de coups, lapidé ou brûlé vif sur la place publique. Une méthode radicale, empreinte de vengeance et pour servir d'exemple. Efficace, si tant est que la culpabilité ait été prouvée.
Pour notre dernier jour à Iwia, Carlos souhaite nous emmèner voir des caïmans, des singes et des oiseaux. Super motivés, on décolle après le petit dej, lui toujours muni de sa machette et nous de nos bottes en caoutchouc, indispensables dans la jungle pour éviter morsures et piqûres. On passe par le village voisin, communauté constituée par la famille de la défunte femme de Carlos. Il nous explique qu'ils ont très tôt fait sécession pour vivre plus librement, élever leurs enfants dans un environnement sain et les épargner des ravages de l'alcool. Plusieurs de ses beaux frères sont alcooliques, ils dilapident l'argent de la famille pour panser leur soif, oubliant de nourrir leurs enfants... Triste réalité faisant chaque jour davantage de victimes "collatérales", ces enfants poussés à travailler, trafiquer ou voler pour s'en sortir.
On chemine à travers une campagne moins luxuriante mais encore sauvage, où poussent arbres à canelle, bananiers et cocotiers, on traverse une rivière, et on débouche enfin sur une route étonnamment bitumée. Après un rapide trajet en 4×4, on arrive chez les Indichuris, une autre communauté de kichwas qui vit d'un tourisme beaucoup moins éco responsable : caïmans semi sauvages nourris au pain, singes et perroquets enlevés de leur habitat naturel et apprivoisés, tortues en enclos etc. Ça nous plaît moyennement, Carlos le sent bien et nous propose de rentrer, en pirogue puis à pied, et une fois à Iwia nous initier à la chasse à la sarbacane. Ça ça nous tente nettement plus !
Sarbacane de compet', flèches faites en un instant avec du bambou et une sorte de coton filé, il ne nous manque que la technique pour ramener de quoi se mettre sous la dent pour le dîner. On dessine plutôt une cible sur un tronc d'arbre et c'est à celui qui se rapproche le plus de son centre qui gagne. On est moins mauvais qu'à la pêche, mais la proie est immobile cette fois-ci !Encore un très bon dîner préparé par Nina et une dernière soirée à la chaleur de la bougie et du partage.
Les adieux du lendemain matin nous ont remplis d'émotion. Le trajet en bus pour rejoindre Puyo se fit dans le silence, un silence qui en disait long sur la grandeur et la beauté de cette expérience.
De retour à Puyo, on repassa la nuit dans la merveilleuse maison en bois, le temps de pouvoir visiter le parc voisin, refuge atypique pour pigeons et poulets. Figurez-vous que ces horreurs peuvent rivaliser de beauté avec les plus colorés des oiseaux exotiques de la forêt vierge ! La preuve en photo.
Carlos Warushka Santiago est né en 1962 dans une famille shuar, installée dans la jungle de la région de Morona Santiago, au sud est de Puyo.
Son père meurt quand il a 8 mois, laissant 2 femmes et 10 enfants (les shuars sont de tradition polygames). Sa mère se remarie plusieurs années plus tard, mais leur situation demeure très difficile. Ils n'ont pas de quoi se vêtir et à peine pour se nourrir. A l'âge de huit ans, il commence à travailler au champ pour aider à subvenir aux besoins de sa famille.
A 14 ans, il veut se marier avec une fille de là-bas, mais sa mère le lui déconseille car elle dit avoir vu l'avenir de son fils en prenant de l'ayahuasca. Elle a vu qu'il formera une grande famille avec une femme de confiance, mais pas ici près de Macas. Il décide d'écouter sa mère, et part avec 120 sucre en poche (la monnaie de l'époque, l'équivalent de 120 dollars).
Il souhaite se rendre à Puyo, mais l'unique manière d'y arriver est par avion, il n'y avait pas encore de route. Il dépense la quasi totalité de son argent dans le billet et arrive au village de Puyo de nuit, avec 20 sucre en poche. Après plusieurs refus, il finit par trouver une bonne âme qui veut bien le laisser camper dans son jardin. Le lendemain, ce monsieur lui indique une famille shuar qui vit dans la jungle, et qui pourra peut être l'aider à trouver un emploi.
Il s'y rend de suite et trouve un accueil plus que chaleureux. Le père lui propose de travailler avec lui. Il fait la connaissance des voisins, une famille de kitchwa, avec qui le courant passe bien. La plus jeune des filles semble très intéressée par Carlos, mais il tombe amoureux de l'aînée. Ça tombe bien, leur père avait tout comme la mère de Carlos eu des visions en prenant de l'ayahuasca, qui promettaient la plus âgée de ses filles à un étranger, fidèle, travailleur et habile de ses mains. Ça n'est pas le coup de foudre du côté de la jeune fille, mais elle finit par tomber amoureuse, et Carlos avait prouvé à son père qu'il pourrait subvenir à ses besoins, ils se marièrent donc, vécurent heureux et eurent beaucoup, beaucoup d'enfants !
- par manque de moyens, il ne mangeait pas toujours à sa faim, et sa mère lui interdisait l'accès à la cuisine. Un jour, sa mère s'abstenta quelques heures et il avait très faim. Il souleva le couvercle de la casserole et se servit un peu de nourriture. Une fois rentrée, sa mère s'en aperçut. Furieuse, elle ramassa des piments, les fit sécher sur le feu, attrapa Carlos et lui mit la tête et les fesses au dessus des vapeurs. Le corps et le visage brûlés, il ne pu ouvrir les yeux pendant deux jours.
- pour le punir d'un mensonge, elle le fit grimper à un arbre lui demandant d'en ramener le fruit. Une fois en haut, elle se mit à couper le tronc pour qu'il s'écrase avec.
- s'il désobéissait, sa mère lui faisait boire de force de l'ayahuasca, sans jeûner, il passait donc un après midi à vomir avant de subir de fortes hallucinations.
- une fois aussi sa mère ne lui donna rien à manger ni à boire pendant 3 jours.
Pas commode la madre.
- observer des caïmans
- jouer avec des singes
- tirer à la sarbacane et apprendre à faire des flèches.
- pécher avec de l'explosif fait maison.
... passer trois jours en compagnie des Warushka Moya ...