Tierradentro porte bien son nom.
Ce petit village situé à seulement 90km de Popayán donne une impression de bout du monde. On y accède par une route cabossée et sinueuse, qui à chaque virage offre un point de vue extraordinaire sur les vallées qui se succèdent. Ciel dégagé ou microclimat humide, en 4 heures de route on a l'impression de traverser le pays entier tellement les paysages et la végétation sont variés.Sur place, trois ou quatre hostels rustiques et un restaurant, pas plus. On ne vient pas à Tierradentro pour flâner dans les rues à la recherche d'artisanat ou de spécialités culinaires locales, ni pour s'extasier devant une architecture coloniale. Pour parler franchement, le village est sans intérêt.
Par contre, Tierradentro est connu pour être le second site archéologique le plus important de Colombie, après celui de San Augustín qu'on visitera ensuite. Des énièmes restes de poteries, de perles ou d'ossements humains ? Vous rigolez, on n'aurait pas fait autant de chemin pour ça ! Non non, le site de Tierradentro compte des centaines de gigantesques tombes souterraines, disséminées un peu partout autour du village, perchées sur les crêtes ou en fond de vallée.
Certaines sont encore ensevelies sous des tonnes de terre et de végétation et d'autres, méticuleusement excavées, sont visitable à la lueur de la frontale. Excitant n'est-ce pas ?! Surtout qu'on ne connait quasiment rien des peuples qui les bâtirent, il y a plus de 2500 ans. Pour quelles raisons s'efforcèrent-ils autant à les construire ? Quels rituels accompagnaient la mise en terre des morts ? Tous avaient-ils le droit d'être enterrés dans ces vastes tombeaux ou bien étaient-ils réservés aux membres de hauts rangs de la communauté ? Autant de questions d'ordre spirituel restées sans réponse, malgré le travail des archéologues et anthropologues.
On sait par contre d'après l'état des hypogées, leur volume, leur architecture et les motifs qu'elles renferment, qu'elles ont été construites à des époques différentes, sur plusieurs siècles. L'ampleur des travaux pour leur réalisation est époustouflante. Creusées à même la pierre, les plus profondes des chambres mortuaires atteignent 10 mètres sous la surface du sol, et les plus grandes plus de 12 mètres de large. Pour rejoindre ces cavités, on emprunte des escaliers taillés eux aussi à même la roche, droits ou en colimaçon.
Certaines abritent des alcôves ou des colonnes pour délimiter les zones où étaient déposés les corps et les objets précieux de leurs propriétaires. Le plus fascinant reste certainement les motifs peints sur les murs avec des pigments naturels, qui ont résisté à la force destructrice du temps. Ces figures géométriques, anthropomorphiques ou zoologiques simplistes témoignent d'un grand sens de l'esthétique.
L'intégralité du site jusque là découvert se parcourt uniquement à pied, suivant une boucle de plus de 15km. Ça grimpe sévère puis ça redescend encore plus à pic, le tri est donc rapidement fait parmi les touristes. C'est simple, pendant la première partie de la journée, la plus sportive, on était seuls sur le chemin, à passer de tombeau en tombeau sur une crête vertigineuse. Très peu d'infrastructures et pas de gardien, juste nous. 2500 ans d'histoire et nous. Inoubliable.
La seconde partie de la rando, beaucoup plus accessible, chemine tout près du village, entre les plantations de bananes et de café. Le paysage est splendide, les hypogées tout autant. Les peintures de certaines ont été restaurées mais la plupart sont d'origine, encore bien conservées.
De belles statues de pierres hautes de plusieurs mètres sont exposées en extérieur, là où elles ont été retrouvées. Pas de lien avec celles de San Agustín semble-t-il, même si elles ont plus qu'un air de ressemblance. Elles dateraient de la même époque que les tombeaux, taillées par la même communauté, qui décidément comptait de très talentueux artistes.
Ce site archéologique d'une immense richesse n'a pas la renommée qu'il mérite, et quelque part, c'est tant mieux ! La visite y est peu encadrée, on arrive facilement à se mettre dans la peau des premiers archéologues qui l'ont découvert, d'autant qu'on n'a croisé que très peu de touristes. Ne manquent que quelques explications à notre goût, mais impossible d'en savoir plus, tout simplement parce que les spécialistes eux-mêmes ne sont pas plus avancés.