Il fallait un zeste d'inconscience, une once de courage, une pincée d'orgueil et une bonne dose d'optimisme pour monter en selle et prendre la route sous la pluie battante de ce matin. À défaut de scaphandre - qui eût été peut-être plus adapté - nous sortons les capes. Le look est très contestable certes, mais la parade est suffisamment efficace : elle nous préserve de la noyade.
Heureusement nous avons renoncé au camping pour les deux jours à venir et loué des AirBnB. Nous serons au sec.
La première partie de l'itinéraire nous fait passer par la forêt de la Courbe, de flaque en flaque. Nous ne voyons du phare que la partie qui émerge de la cime des arbres, comme s'il n'avait été bâti que pour diriger randonneurs et cyclistes plutôt que les navigateurs, étrange...
On longe un peu la côte, on ppasse La Palmyre puis aint Palais - il est maintenant possible de retirer les capes. Un vent latéral s'est levé et, se prenant dans la cape, nous déséquilibre. Contre toute attente, les averses s’espacent et deviennent moins violentes. On arrive à Royan où, après avoir essoré les chaussettes, nous décidons de prendre un repas chaud.
Nous quittons la Vélodyssée qui se ppoursuitvers Hendaye, au sud et prenons, nous, au sud-ouest par le Canal des deux mers qui nous fera suivre l'estuaire de la Gironde jusqu'à Bordeaux pers la Méditerranée.
Nous choisissons de manger chaud à Royan, Pendant notre repas, le soleil se montre enfin. Le bougre voudrait sans doute nous réchauffer mais le vent l'en empêche qui reste fort et froid. Dans l'après-midi cependant nous aurons quelques beaux mais courts moments qui nous rappelaient presque que c'est l'été.
Après Royan, Talmont. Nous ne nous y arrêtons pas bien que ce soit, selon le panneau apposé à l'entrée. Trop de monde, unir défoule au Mont qui rebute. Voitures mais aussi vélos doivent rester à l'extérieur de l'enceinte.. Pas question de laisser notre matériel sans surveillance
On entre ensuite dans les vignobles. Qui dit vignobles dit coteaux. Ça monte, ça monte bien même... La plus belle montée, la dernière de la journée, nous amènera à notre chambre. Mais nous étions prévenus : elle est située rue de chemin pentu ! Le fait est qu'il n'y a pas tromperie sur la marchandise.
Dans l'après-midi, il nous est donné de croiser toute la beauté du monde.
On roule à travers la campagne, de colline en colline - le spectacle se mérite. On devine souvent, on voirt parfois les eaux de la Garonne dont la couleur se confond le plus souvent avec celle des blés. Curieux mélange de plaine et de collines aux formes douces, girondes même, mais pentues. Souvent, la montée est raide et l'horizon semble à portée de main. On imagine que la Terre est, voyez-vous, finalement plate et qu'on en a trouvé le bord. Et puis non, au dernier moment un arbre ou un toit s'intercale et définit un nouvel horizon. Il faut bien se rendre à l'évidence, nous n'y sommes pas ou pas encore car au cours de la journée la situation - et le rêve - en renouvèlent l'improbable certitude, toujours en vain. Il n'en reste pas moins que cette perspective trompeuse est si plaisante qu'on pardonne aux montées de monter, elle nous offrent cette poétique illusion en échange. On n'y perd pas.
Une autre question me taraude au cours de la journée en regardant l'eau. Est-elle ici douce ou salée ? Suis-je encore à l'océan, est-ce déjà le fleuve ? Où commence l'un ? Où finit l’autre ? Et dans la zone où sans doute fleuve et océan se brassent, s'unissent-ils ou au contraire se combattent-ils ? Un géographe aurait sans doute réponse à ces questions. Gardons-nous de l'interroger : il répondrait. C'est le poète et le rêveur, le cycliste pourquoi pas, qu'il faut solliciter, pour ne pas effilocher la magie du site.
Peu importe que la réponse soit juste ou fausse, il suffit qu'elle soit belle.
En attendant, la pluie a repris...