La beauté des premiers plans n'est pas étonnante, soit qu'elle s'impose incontestablement, soit que le regard la construise quand ce n'est pas le cas. A-t-on jamais vu quelqu'un revenir déçu d’avoir vu Trégastel ou fâché de n'avoir rien vu qui mériterait qu’on s’’émeute en Camargue.
Le deuxième plan en est le complément naturel et s'offre lui aussi assez facilement au regard du visiteur.
C’est, de mon point de vue le troisième plan qui compte et qui, discrètement caractérise le paysage et lui prête une personnalité. Ce matin, les Cévennes se donnent à voir ou plutôt à devine dans le floudu lointain. Elles se font discrètes, réduite à un cordon gris, un mirage fascinant indistinct. Sans la participation active de celui qui la veut construire, toute cette beauté pourrait rester inaperçue, inutile.
Nous traversons aujourd'hui des zones de culture, blé et maîs bien sûr, mais moins qu'ailleurs ; le tournesol est aussi plus rare. On y trouve en revanche de nombreux fruits et légumes. Nous aurons croisé de la vigne forcément et quelques oliviers encore. Des champs de persil, ou de basilic qu'on récoltait et dont l'odeur endiablée se mélangeait à celle de la menthe sauvage. Mais nous aurons aussi croisé de merveilleux vergers : figues, abricots, pêches, pomes, poires, kiwis.
Et je ne peux m'empêcher de me demander. Si Êve s'était trouvée ici’, dans cet autre Jardin d’Éden, se serait elle approchée du pommier ou aurait été elle choisi quelque autre fruit. Et qu'aurait alors fait Adam ? Que serait-il alors advenu de nous ?
Mais bon, c'était la pomme sans qu'on sache du reste de quelle variété elle était. La Bible est lacunaire sur ce point.
Si j'avais été Adam j’aurais demandé à Ève de me donner des abricots. Je préfère. Ça aurait peut-etre tout changé.
Le Rhône est partout aujourd'hui. Nous le feanchissons plusieurs fois. Il est puissant et rapide. Domestiqué pourtant, il fait tourner les turbinesdes centrales hydroélectriques. Un peu, beaucoup ? Je ne sais pas. Pas assez pourtant pour que soient démantelées les deux centrales nucléaires.que nous croisons avec leurs silhouettes inquiétantes..
Il semble ici y avoir deux mondes qui s'ignorent. En bas, la route au trafic incessant, le train, les usines, la fureur et le bruit, les vapeurs d’essence aussi. Plus haut, sur les coteaux et sur les crêtes, les villages anciens aux rues pavées, groupées autour des ruines du château moyen-âgeux et de l’église. Deux temps, l'un figé, l'autre à la poursuite d'un avenir qui lui échappe sans cesse, deux espaces aussi, disloqués. Et le Rhône qui les unit autant qu'il les sépare.