Les filles se sont levées, sont allées courir dans le camping. Après une douche, on a bougé direction Taos, une ville vieille d'un bon millier d'années. Des communautés d'amérindiens vivent là depuis bien avant l'arrivée des colons, et leur ville, aujourd'hui connue sous le nom de Taos Pueblo, est l'une des seule à n'avoir pas été évacuée ou détruite par les Blancs. C'est donc un village classé à l'Unesco, fait de petites maisons carrées couleur terre, qu’on a hâte d’aller voir. A l’entrée de la ville, on fait un arrêt obligatoire le long du pont qui surplombe le Rio Grande. Il paraît tout petit au fond de l’immense canyon. On apprendra plus tard que c’est à cause du peu de neige qu’il y a eu cette année sur les sommets environnants. Quoi qu’il en soit, on profite de l’occasion pour écouter du Eddy Mitchell à fond dans la voiture. On se balade un peu, avant de filer vers le centre ville de Taos, qui est réputé pour être très orienté art. En effet, en passant en voiture, on voit de nombreuses galeries et beaucoup de magasins colorés. On se gare, on se crème, on paye les 3h de parking. Prêtes à partir, on claque la porte. La fenêtre arrière de Sheila nous tombe dans les mains. Il devient évident qu'on ne peut pas la laisser comme ça, alors on remballe tout et on se met à la chasse au mécano. On en trouve un à quelques miles de là, qui nous propose de réparer ça dans l'après midi (il y a collage à faire, et il faut que la colle sèche) pour une cinquantaine de dollars. Banco: on laisse Sheila, et on décide de marcher pour retourner au centre ville. Après deux minutes de marche au bord de la route sous un soleil de plomb, on tend le pouce, juste pour voir. Quelques secondes plus tard, une voiture s'arrête. On prend les paris : qui prendra trois filles en short au bord de la route? On est prêtes décliner l'offre en cas de doute sur notre sécurité. Mais nous nous trompons lourdement. La jeune femme qui nous prend en stop s'appelle Hailey, est à peine plus âgée que nous, a un French boyfriend et revient tout juste de vacances à Monaco avec sa belle famille. Elle nous explique que les parents de son copain ont fait fortune en ouvrant une boulangerie française dans la ville voisine de Santa Fe, notre prochaine destination. On lui promet d'y faire un tour. Elle nous dépose sur la place centrale de Taos, et on la remercie chaleureusement. On se balade un peu : cafés, boutiques de souvenirs, librairies, galeries d’art… c’est une petite ville touristique, sans aucun doute, mais pour autant très vivante et dans laquelle on ne croise pas que d’autres touristes. Les rues sont étroites, les maisons basses et colorées : rouges, jaunes, brunes… On ne se sent plus aux Etats-Unis, mais dans un pays à part, hybride, mi-Mexique, mi-Amérique. On s’offre le luxe de partager à trois 2 plats de spécialités du Nouveau Mexique, à base de viande et de chili, parce qu’on ne veut pas rater ça. Pour compléter le tout, on finit par s’installer dans un café qui vend aussi des glaces délicieuses (le parfum orange sanguine nous a renversées). On a encore pas mal de blog à rattraper. On se met au travail, et pendant ce temps, Lise se propose d’aller récupérer la voiture chez le mécano. Elle part à pied pendant qu’on reste travailler au frais (merci Lise). Une petite heure plus tard, elle est de retour, après une bonne suée et un peu d’attente au garage. Sheila a une fenêtre flambant neuve qui a l’air de tenir du feu de dieu.
On se met en route pour Santa Fe, qui est à une grosse heure de là. On y arrive au soleil couchant, et on est toutes les trois sous le charme de la ville. Le centre historique, quoique touristique, est magnifique : une église inspirée de la cathédrale de Chartres, des parcs ombragés pleins de bancs et tables de pique nique, et des bâtiments bas prolongés au-dessus des trottoirs par des colonnades en bois, un peu comme à la Nouvelle-Orléans.
On se prépare une salade avocat-tomate-maïs-mozarella (mémorable), sous les arbres de la place centrale. Alors que l’on s’apprête à retourner se promener, on croise le chemin de George. George a une longue barbe blanche, une queue de cheval de la même couleur et porte un T-shirt de Grateful Dead. Il est curieux de notre voyage, alors on lui fait le topo habituel : « we started off in BC and we’re going to Montreal », en gros. La conversation prend bien, au point que l’on passe plusieurs heures attablées avec lui. On parle de Paris, de Chicago, d’où il vient ; de son fils pilote, Ben, qui a épousé une Française à Fontainebleau ; il nous conseille des choses à faire dans le coin. Quand on lui demande quels sont ses plans pour l’été, il nous explique que tous les ans, il part avec des amis dans les montagnes au Nord de la Californie. Ils vont camper et emmènent des tonnes de provisions. Le but de leurs expéditions est de se placer sur le chemin des randonneurs extrêmes du Pacific Crest Trail. Le PCT est un chemin de randonnée qui relie la frontière du Mexique avec la frontière du Canada, en passant par le désert au Sud, les massifs montagneux de la Californie et de l’Oregon, puis les forêts du Washington. George et ses amis vont cuisiner des repas chauds et jouer de la musique avec les randonneurs qui sont à mi-parcours, pour les encourager. L’un de ces bons samaritains se déguise même en garde-frontière canadien en distribuant des barres de céréales. George nous montre des vidéos, et on est émerveillées par tant de gentillesse et de bonne humeur. George part dans quelques jours remettre ça. On s’ajoute mutuellement sur Facebook et on l’assure qu’il a une maison à Paris, si jamais il retourne en France. La nuit est déjà bien tombée, et on va se coucher dans le coffre de notre brave Sheila. Demain sera une journée dédiée à la visite diurne de Santa Fe, et on a hâte de remettre ça - d’autant plus qu’on a promis a Hailey d’aller voir la boulangerie, et à George de passer à son café préféré, Tía Sofia’s.