Pour ce dimanche, on avait un gros programme. On voulait se lever à 8h30, laver et ranger la maison, faire nos adieux à Suzy et partir e début d’après-midi pour dormir à Shreveport, Louisiane le soir avant de filer vers la Nouvelle-Orléans. Bémol : on ouvre les yeux à 11h. Nos plans tombent à l’eau. On descend chez Suzy déjeuner, on fait un gâteau à la banane pour passer des fruits trop mûrs, on discute, on discute… et Suzy nous convainc de rester un jour de plus. On cède, tant pis pour Shreveport, on conduira d’une traite vers la Nouvelle Orléans demain.
On continue à discuter avec elle par dessus le comptoir de la cuisine. De fil en aiguille, elle nous raconte toute sa vie, devant un album de ses photos de mariage. Comment elle a épousé Jim le jour de leur graduation de l’Université d’Alabama ; comment il est parti pour le Vietnam en la laissant avec leur plus grand fils dans une base militaire ; leurs galères financières des débuts, avant que Jim ne trouve un poste stable de pilote de ligne ; combien avoir une ferme lui tenait à coeur. Elle nous parle énormément de ses parents, de son père, Claude Du Teil, qui était pasteur à Hawaï, qui a ouvert un centre de pour les personnes sans abri qui vivent là-bas. De sa mère qui était dans la Marine et qui déchiffrait des codes pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle finit par nous emmener dans le cottage de sa mère, Tutu (grand-mère en hawaïen), de son vrai nom Roberta. Elle nous montre des photos de son père, de sa famille, de la maison coloniale que possédait la famille de sa mère en Alabama. On est émues devant les tableaux de sa grand-mère, devant son arbre généalogique, devant toutes ces miettes du passé que l’on entrevoit au passage et qu’on est heureuses d’emmener avec nous.
Ce moment chargé émotionnellement nous coupe un peu les pattes, et Suzy nous propose de nous montrer quelques autres de ses épisodes préférés de I Love Lucy. On vas se blottir joyeusement dans le canapé pour quelques heures en noir et blanc à suivre les aventures de Ricky et Lucy.
Soudain, un grand bruit nous fait nous retourner. La jument de Jade, Hope, a pris peur pour une raison quelconque et s’est emballée. Dans sa fuite, elle s’est heurtée violemment à une barrière, et elle s’est coupé profondément le nez et le front. Ça saigne pas mal et c’est assez impressionnant. Branle-bas de combat : Suzy appelle des vétérinaire, mais personne n’est disponible en ce dimanche soir. Elle dégotte enfin une spécialiste des chèvres qui peut se déplacer et recoudre le nez du cheval. On assiste à l’opération avec curiosité. La véto administre un sédatif qui ramollit la jument, puis on s’y met à quatre pour permettre à l’opération de bien se dérouler. Jade tient la tête de Hope pour que la vétérinaire puisse recoudre, Alexine est chargée de tapoter le front de la jument pour la distraire tandis que je pointe une lampe torche sur la zone à recoudre.L’opération terminée, la véto spray une substance argentée sur les plaies, pour les protéger des mouches et de l’eau.
La vétérinaire repart, et on se dit qu’on commence un peu à avoir l’impression d’être coincées dans un épisode de 30 millions d’amis.
Alexine, Margaux et moi faisons des équipes pour nourrir tous les animaux de la ferme (chevaux et poulains, mini-poneys, chèvres et chevreau, mouton, poules - puis on se dirige, suantes et pleines de paille, vers la maison. Jim a préparé une sorte de pad thai, et on se remet devant un dernier épisode deI Love Lucy tous les cinq. J’ai l’impression d’être chez mes grands parents (coucou Mamie !).Tout ce petit monde va se coucher, car une longue journée nous attend le lendemain.