Ni rehejmiĝis ! - Nous sommes rentés !

Publiée le 28/09/2024
.

Vous êtes quelques-uns à vous être inquiétés de notre silence après notre arrivée à Hanovre et la fin de notre périple cycliste.

Que chacun soit rassuré, nous allons bien. Notre séjour s’est bien terminé et nous sommes rentrés sans encombre.

C’est que nos journées ont été depuis bien remplies, pendant les deux dernières semaines de notre voyage mais aussi dès notre retour. Des problèmes de santé de nos proches, résolus depuis, ont bousculé notre emploi du temps et nous avons dû quitter la Normandie à peine retrouvée.

Tout devrait rentrer dans l’ordre en milieu de semaine, nous pourrons nettoyer et ranger notre matériel et reprendre plus sereinement nos activités habituelles.

 

À notre arrivée à Hanovre sous un soleil de plomb, nous avons été accueillis par Andy, un espérantiste qui nous a hébergés pour la nuit mais a surtout accepté d’héberger nos vélos et la plus grosse partie de nos bagages pendant la seconde partie de notre voyage. Avec lui, nous avons visité quelques lieux emblématiques de la ville, notamment l’Hôtel de ville. Nous avons ensuite pris le repas dans un petit restaurant avec deux autres espérantistes, Robert et Caroline.

Le lendemain, sur le chemin de la gare routière, nous essuyons une formidable averse, aussi courte que violente. Andy qui nous accompagne en portant gentiment nos sacs sur le porte-bagages de son vélo tandis que nous sommes à pied, nous quitte à la gare où nous prenons le bus pour Białystok, la ville natale du créateur de l’espéranto.

Le trajet en bus, de Hanovre à Białystok est bien long, 16 heures 30 ! Heureusement, nous avons réservé des places à l’avant du bus, un peu plus confortables, on voit la route. Et puis nous n’avons pas à charger ni nos vélos, ni nos sacoches, restés à Jerxheim ou à Hanovre. La première partie du voyage est, à l’inverse celle que nous avons effectuée à vélo. Nous repassons par Braunschweig, Magdebourg et Berlin. 300 kilomètres dans la machine à remonter le temps. Nous passons aussi par Varsovie où nous reviendrons dans quelques jours.

À Białystok, la chaleur n’est pas moins étouffante qu’elle ne l’́était à Hanovre.

La Biélorussie est à une cinquantaine de kilomètres et l’Ukraine à 250 environ.

Dans la gare, toutes les indications sont traduites en biélorusse et en ukrainien, l’alphabet cyrillique domine.

Il nous faut marcher une demi-heure pour rejoindre le club local d’espéranto où nous sommes reçus et hébergés. Pŝemek, le président de l’association, nous y accueille… et nous laisse nous reposer.

Nous sommes dans l’ancienne synagogue Piaskower, construite en 1893. Elle servait de lieu de culte et abritait une école de Talmud Torah avant d’être dévastée par les nazis. Réouvert en 1948 le local est devenu  le siège des organisations juives de Białystok et de l’association sociale et culturelle des Juifs de Pologne  avant d’être désaffectée en 1968. Le bâtiment a été ravagé par un incendie en 1989 puis réhabilité six ans plus tard par une entreprise privée qui y a installé ses bureaux.

Le siège de l’association espérantiste est situé en demi sous-sol à l’arrière du bâtiment.

Je ne peux m’empêcher de penser à l’ami Yves, décédé il y a presque deux ans, qui m’a initié à l’Espéranto. Il est venu ici-même en 2009 quand l’UEA (l’association espérantiste mondiale – Universala Esperanto-Asocio) y a tenu son congrès annuel.

À 10 heures le lendemain, nous avons rendez-vous avec Iza. Elle est guide et pratique l’Espéranto mais aussi le français, qu’elle préfère utiliser en la circonstance car elle n’en n’a pas souvent l’occasion.

En sa compagnie, nous découvrons la ville jusqu’à 16 heures en suivant peu ou prou l’itinéraire touristique qui la traverse et qui permet d’en découvrir les trésors et les lieux importants, parmi lesquels ceux qui sont liés à l’Espéranto sont bien sûr nombreux, puisque c’est ici qu’est né le 15 décembre 1854 Louis Lazare Zamenhof, qui, en 1887, a créé l’Espéranto, une langue artificielle universelle, simple à apprendre et neutre, n’étant la langue officielle d’aucun état. Elle est aujourd’hui parlée par 2 à 3 millions de personnes dans plus de 120 pays. Contrairement à l’anglais, elle n’est pas le véhicule d’une domination culturelle et économique. C’est une langue équitable.

Tout au long de l’itinéraire des panneaux explicatifs rédigés en polonais, en Espéranto et en anglais guident le visiteur. La statue de Zamenhof constitue l’élément central du Square Malmeda mais sa maison natale, frappée d’alignement, a malheureusement été détruite en 1958. Le docteur, tout sourire, nous salue néanmoins du balcon de la fresque qui orne mur de l’immeuble qui l’a remplacée. À l’étage du dessous, Jacob Szapiro, un propagandiste précoce de la langue, est assis sur le rebord de l’appui de fenêtre avec son ami Abraham Zbar. Plus loin, nous verrons la maison où Szapiro résidait avec sa famille jusqu’à l’arrivée des nazis qui l’ont assassiné le 12 juillet 1941. Seuls dix des trois cents espérantistes que comptait alors la ville ont survécu à la guerre. Beaucoup avaient pris part au soulèvement du ghetto, survenu dans la nuit du 15 au 16 août 1943.

Nous visitons aussi d’autres lieux symboliques de la ville, l’église Saint Roch, bâtie dans le style moderniste pour servir à la fois de lieu de culte et de symbole de l’indépendance retrouvée de la Pologne, le célèbre Palais Branicki, de style baroque, son parc, surnommé « le Versailles polonais » et le splendide bâtiment ultramoderne de l’opéra et de la Philharmonie de Podlachie, qui doit aux jardins qui l’entourent et à ses toits et murs végétalisés le surnom d’« opéra vert ». Il est malheureusement fermé au moment où nous y passons mais nous y retournons le surlendemain.

Le dimanche nous prenons le bus pour nous rendre à Supraśl, une petite ville située à une quinzaine de kilomètres de Bialystok pour y visiter le monastère orthodoxe. Nous assistons à une partie de la liturgie, tout à fait incompréhensible pour nous qui n’y sommes pas initiés. Contrairement aux églises catholiques ou protestantes, tous restent debout pendant toute la durée de la longue célébration. Les rites se déroulent dans le chœur de l’église, derrière le rideau qui sépare le clergé célébrant du reste de l’assistance autant qu’au milieu des fidèles. Nous sommes surpris de leur nombre important et de leur ferveur. Les enfants et les jeunes sont nombreux. Tous se sont habillés pour la circonstance. Les vêtements et les chants liturgiques – malheureusement diffusés par haut-parleur et non pas interprétés de vive voix - sont magnifiques. Après la communion sous les deux espèces, une dame ramasse les miettes du pain béni tombées à terre et les mange une à une. Il est vrai que, comme les catholiques, les orthodoxes croient à la transsubstantiation, c’est-à-dire que le pain et le vin, bien que conservant leur apparence, sont, par la consécration, réellement transformés en corps et sang du Christ. Que Dieu la protège des microbes et qu’il protège aussi tous les fidèles qui à tour de rôle ont embrassé l’icône de la vierge !  

Avant de partir pour Varsovie, nous prenons le temps de visiter le Centre Zamenhof qui présente une exposition sur « Białystok au temps du jeune Zamenhof ». Le créateur de l’Espéranto doit se retourner dans sa tombe en constatant qu’à l’accueil, la personne qui nous reçoit ne parle pas l’Espéranto… il nous faut discuter en anglais !

Au fil des jours, d’autres espérantistes sont arrivés à Białystok avec qui nous partageons notre hébergement, un Allemand qui restera plusieurs mois car il vient ici travailler comme volontaire au service de l’association et un Néo-Zélandais de passage. Avec Pŝemek, ils nous accompagnent à la gare où nous devons prendre le bus pour Varsovie, l’́étape suivante de notre voyage. Nous étions si bien occupés à discuter ensemble, en Espéranto, cela va de soi, que nous n’avons pas été assez vigilants. Le bus nous est passé sous le nez. Nous guettions d’un œil distrait un Flixbus vert et orange, et n’avons pas prêté attention au véhicule du sous-traitant, blanc, qui s’est arrêté à notre quai, d’autant moins qu’il l’a quitté avec près de dix minutes d’avance sur l’horaire prévu.

C’est donc en train que nous rejoignons Varsovie. La SNCF pourrait s’inspirer de la compagnie nationale polonaise : personnel en gare pour renseigner la clientèle et vendre les billets, peu onéreux, trains à l’heure, toilettes impeccables (et nettoyées à plusieurs reprises au cours du trajet), puisqu’il fait chaud, eaux plate et gazeuse distribuées gratuitement aux passagers qui en font la demande.

Dorota, une amie de longue date, nous attend à la gare de Varsovie. Elle vit en France depuis ses vingt ans mais a conservé des liens très forts avec son pays de naissance et a acquis à Varsovie un appartement où elle vient plusieurs fois par an. L’appartement n’est pas loin de la gare et le réseau de transport en commun est très développé et, là encore, bon marché.

Ce qui frappe en arrivant, ce sont ces immenses gratte-ciels ultramodernes. La Tour Varso, avec ses 310 mètres d’altitude est le plus haut bâtiment de l’Union Européenne,et dépasse le Palais de la Culture et de la Science offert en 1955 par Staline à la Pologne pour symboliser l’amitié russo-polonaise, qui reste néanmoins le deuxième plus haut bâtiment de la ville. Rassurons-nous, c’est moins que la Tour Eiffel qui culmine à 330 mètres. La largeur et la rectitude des rues est aussi inaccoutumée pour un Français. C’est que la ville a été détruite à plus de 80% par les nazis en 1944 et que les communistes voulaient créer une ville nouvelle et moderne qui serait la vitrine du nouveau régime. La Place de la Constitution et le lotissement MDM et ses magnifiques bas-reliefs sont d’autres témoins de cette architecture stalinienne de l’après-guerre.

Le plus souvent accompagnés de Dorota, ou à tout le moins sur ses conseils, nous avons visité quelques musées et monuments parmi lesquels le musée de l’Insurrection, le musée de l'Histoire des Juifs polonais et le musée de la République Populaire de Pologne qui évoque la vie quotidienne des Polonais pendant la période communiste. Nous avons bien sûr parcouru la voie royale et déambulé dans le centre de Varsovie et dans les parcs. Nous avons vu l’église Sainte-Croix ; le cœur de Chopin, immergé dans l’alcool – du cognac dit-on - s’y trouve, dans un coffret de chêne scellé dans un des piliers. Comme un écho à notre visite de Bialystok, nous allés rendre visite à Zamenhof, dont la tombe au cimetière juif mériterait du reste d’être restaurée. Nous nous sommes promenés le long de la Vistule et l’avons franchie pour une émouvante promenade dans ce qui fût le ghetto.

La ville est peuplée de monuments patriotiques commémoratifs, souvent fleuris et au pied desquels sont déposés des photophores. Quelques-uns sont à la gloire de personnages historiques, militaires, artistiques ou intellectuels, la plupart témoignent de la résistance polonaise et du martyr des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale, quelques-uns aussi évoquent la période communiste.

On construit beaucoup à Varsovie, des immeubles ultra-modernes qui, le contraste est saisissant, voisinent avec d’autres qui datent de l’après seconde guerre mondiale, dans le style minimaliste de l’architecture moderniste et social-réaliste, parfois rénovés, parfois en très mauvais état. Il reste aussi quelques habitations qui datent d’avant-guerre. Beaucoup de bâtiments historiques, détruits ou fortement endommagés pendant la guerre, soit qu’ils aient été rasés par les nazis, soit qu’ils aient subi les bombardements alliés, ont été méticuleusement reconstruits.

La ville est riche de jardins et de parcs magnifiques. Ils apportent un peu de la fraicheur dont nous avions besoin dans cette période caniculaire.

Notre passage à vélo le long de la Baltique nous avait bien déçus. Les paysages y étaient dénaturés par un tourisme glouton et les personnes que nous y avons croisées y étaient malaimables, comme emmurées en elles-mêmes. Notre séjour à Varsovie est à l’inverse : nous y découvrons une ville ouverte et dynamique, en pleine évolution, à l’identité multiple et une population accueillante.

L’identité d’un pays se lit dans ses églises et ses châteaux mais aussi bien souvent au fond de ses gamelles… Nous avons assidument fréquenté les « bars à lait » (bary mleczne). Durant l’époque communiste, ces restaurants, pour la plupart nationalisés, proposaient aux personnels des entreprises qui ne disposaient pas de cantines des repas à faible coût. Après la chute du régime, leur nombre a fortement diminué avant que le secteur ne reprenne dans les années 2010. La loi les définit comme des établissements de restauration collective en libre-service, sans alcool et accessibles au public vendant du lait, des produits laitiers et des plats végétariens toute la journée. Le coût des matières premières est subventionné par l’État à hauteur de 40%. On y trouve aussi des menus à base de viande mais ceux-là ne sont pas subventionnés. Outre qu’on y trouve des plats typiques et excellents, le coût de ces restaurants défie toute concurrence, comptez une quinzaine d’euros pour deux… doggy bag (en français emporte-restes) compris !

Le dernier point qui nous a étonnés est la vivacité de la pratique religieuse. Bien sûr Jean-Paul II est ici un héros national : des rues des places et des boulevards portent son nom, nombreuses sont les statues érigées à son effigie dans tout le pays, et on le trouve sur tous les produits dérivés possibles, casquette et mugs compris. Un nombre impressionnant des personnes fréquentent les lieux de culte. Les églises catholiques sont pleines le dimanche mais, à n’importe quelle heure du jour, les fidèles y sont nombreux à prier. Les églises orthodoxes ou les synagogues sont également très fréquentées.

Nous avons également passé deux jours à Cracovie, une ville magnifique où avons visité ce que les touristes visitent. Véronique a beaucoup apprécié cette digression. Pour ma part, sans regretter aucunement de l’avoir inscrite à notre programme, le caractère très touristique de la ville m’a gêné. On objectera à juste titre que j’étais au nombre de ces touristes.

Peu importe, nous sommes au bout du compte réconciliés avec la Pologne.

Retour en train à Varsovie où nous passons encore deux jours, sans Dorota repartie en France – il y en a qui bossent -. Puis l’enchainement Varsovie – Hanovre en bus, pour y récupérer les vélos, Hanovre – Paris, toujours en bus, Paris – Caen, en train. A la gare de Caen, deux amis espérantistes nous font la surprise de nous accueillir avec une banderole de bienvenue. Les pauvres ne savaient pas par quel train nous allions revenir : ils nous ont guettés à tous ceux qui sont arrivés entre 10 et 13 heures.

Trois mois de voyage, trois mille kilomètres à vélo, des centaines et des centaines de photos à trier, des dizaines de gens à remercier de leur accueil ou de l’intérêt avec lequel ils nous ont suivis en lisant chaque jour ou de temps en temps notre blog ou qui, sous des pseudos qui nous les rendent à nous aussi impossibles à identifier nous ont adressé des encouragements ou des signes d’amitié… Parmi elles, ma mère qui nous a offert un exemplaire papier de notre blog qu’elle a intégralement recopié à la main, jour après jour ! Après cette longue conclusion, la pauvre se retrouve avec quelques pages de plus à recopier pour parachever son œuvre !

Nous ne prévoyons pas un aussi long voyage l’an prochain : nous voudrions découvrir la Normandie en été et profiter un peu de nos fruits qui, sinon, mûrissent toujours quand nous ne sommes pas là pour les déguster. Mais nous verrons… Laissons d’abord passer l’hiver…

 

 

.
3 commentaires

ClaudineMichel

Le moins que l’on puisse dire , c’est que vous avez la foi ! Félicitations pour cette riche conclusion.

  • il y a 6 jours

nanocha

Encore un beau voyage
Pour la Normandie l'année prochaine, je pourrai vous donner qq idées de visite à faire dans mon petit coin de l'Orne 🚴

  • il y a 6 jours

AnnieV

Oui Bertrand je viens de terminer de recopier l'epilogue
6 pages !!!!!
Mais merci de la surprise en recopiant le texte...
Je vous ai bien suivis pas à pas
Pas une ligne n'a été oubliée !!!
Et maintenant. Vive la Normandie !!, la France est belle aussi et mérité sa découverte

  • il y a 2 jours
4 Voyages | 299 Étapes
1 Rue du Centre, Giberville, France
90e jour (14/09/2024)
Liste des étapes

Partagez sur les réseaux sociaux