Lorsque j'avais imaginé mon voyage, l'Alaska n'était absolument pas au programme (pas plus que les Bahamas, Cuba ou la Jamaïque d'ailleurs !). Mais, comme souvent, deux éléments extérieurs m'ont donné des idées. Je suis dans un premier temps tombé, l'an dernier, sur le blog d'un autre voyageur, qui s'y était essayé à l'auto-stop il y a deux ans. Aussi, en août dernier, au moment de quitter la Nouvelle-Écosse pour Terre-Neuve, j'avais fait la connaissance d'un japonais complètement fou qui y avait commencé sa traversée du Canada en vélo (complètement fou car il pédalait un vélo pliant Strida…). Ayant pour objectif de découvrir le Yukon voisin, ajouter l'Alaska à mon périple m'est alors apparu assez naturel. Qui plus est, l'occasion d'y revenir un jour m'apparaît nulle.
L'Alaska est le 49e État des États-Unis, dont la capitale est Juneau et la plus grande ville Anchorage, où habite environ 40 % de la population de l'État. Avec une superficie totale de 1 717 854 km², il est l'État le plus étendu mais l'un des moins peuplés, ne comptant que 731 449 habitants en 2012.
En 1867, les États-Unis l'achètent à la Russie pour la somme de 7,2 millions de dollars (environ 120 millions de dollars actuels), et celui-ci adhère à l'Union le 3 janvier 1959. Les domaines économiques prédominants aujourd'hui sont la pêche, le tourisme, et surtout la production d'hydrocarbures (pétrole, gaz) depuis la découverte de gisements à Prudhoe Bay dans les années 1970.
Source : Wikipédia
Au départ de Whitehorse, premier arrêt à Haines, village de 1 700 âmes logé entre deux bras de mer. 400 kilomètres de route, dont 155 sur l'Alaska Highway. Sur cette portion, l'autoroute est en bien meilleur état que celle expérimentée lors de mon arrivée au Yukon. L'environnement est toujours aussi envoûtant, ponctué de forêts de conifères et de monts enneigés. Au moment de bifurquer sur la Haines Highway, le ciel s'assombri, mais le panorama reste toujours aussi incroyable.
À 65 kilomètres du but, le passage à la frontière Canada - États-Unis se passe sans encombre. Si l'on excepte l'orange que je me vois confisquer ; la bougre a eu l'indélicatesse d'être dans l'impossibilité de décliner son pays origine ! Mais le douanier américain est relativement agréable, c'est à noter !
La ville d'Haines en elle-même se parcourt rapidement et n'a pas réellement trouvé grâce à mes yeux, la météo n'aidant évidemment pas. Il n'y a guère que son petit port qui m'a vraiment charmé. Les alentours sont néanmoins très plaisants. J'ai bien essayé d'entreprendre une randonnée vers un sommet voisin, afin d'obtenir un meilleur point de vue. Mais j'ai une nouvelle fois dû renoncer à environ un kilomètre du but, bloqué par une neige toujours trop abondante.
Après une nuit passée sur un petit parking au bord de l'eau, je prends la route d'Anchorage. Un nouveau passage par le Canada s'impose. Au moment de repasser la frontière, un sentiment mitigé m'anime sur ce premier contact avec l'Alaska.
1 200 kilomètres plus tard, bouclés sur deux jours, de nouveaux paysages incroyables traversés et un nouveau passage par la frontière, j'atteins Anchorage. Avec ses 300 000 habitants, elle est, de loin la ville la plus peuplée de l'État.
Anchorage a connu une croissance importante au court des années 70 et 80, suite à la découverte d'un champ pétrolifère à Prudhoe Bay, au nord de la péninsule. De nombreuses sociétés pétrolières y ont implanté leur siège social. Malgré cela, la ville ne comprend pas réellement de centre-ville imposant et bondé comme la majeure partie des grandes agglomérations nord-américaines. Pas plus de grandes tours, conséquence d'un séisme survenu en 1964 (l'un des plus importants de l'histoire) qui limite depuis la hauteur des bâtiments à 21 étages.
Bien qu'y ayant passé trois jours au total, je n'ai pas pris le temps de réellement parcourir la ville. Anchorage ne m'a pas donné grande impression. J'y ai essentiellement vu une agglomération sans grand charme, sans réelle singularité.
Dès que possible, j'ai donc repris la route, direction Seward, 200 kilomètres vers le sud, via la Seward Highway. Route une nouvelle fois magnifique, entre océan et montagnes.
En cours de route, je me suis de nouveau essayé à une randonnée. Et, pour changer, ce fut un échec… J'ai toujours espoir de tomber sur un sentier à l'ensoleillement exceptionnel, où la neige aurait fondu plus que de raison, mais mes espoirs sont systématiquement remis en cause. Néanmoins, cette fois pour me consoler, je n'ai pas été le seul à faire preuve d'excès d'optimisme : deux chasseurs d'ours, initialement partis pour une expédition de trois jours, ont également dû renoncer. Maigre satisfaction.
J'accès finalement à Seward et découvre tout d'abord son port de plaisance, libre des glaces tout au long de l'année. L'endroit est paisible, le ciel est bleu, le soleil se fait moins timide, les nuages se font plus rares. Après cinq jours passés en Alaska, je commence enfin à pleinement apprécier la région.
C'est ici que je découvre également que la côte de l'Alaska est sujette aux tsunamis, les tremblements de terre y étant très fréquents.
Après une nouvelle nuit passée dans ce cadre incroyable, je reprends la route vers le sud de la péninsule Kenai, où m'attendent Homer et ses 5 000 habitants (enfin je ne sais pas s'ils m'attendent, mais j'y vais quand même !).
Homer est une autre ville portuaire qui vit essentiellement de la pêche et du tourisme. On y accède via la Sterling Highway. Cette dernière m'a semblé bien moins captivante que les précédentes, empruntant essentiellement des zones boisées. Sur le retour, avec un ciel plus dégagé, j'ai néanmoins pu observer une partie de l'étendue des montagnes de l'Alaska, visibles de l'autre côté du Golfe de Cook, à environ 60 kilomètres de distance. Difficile de refréner l'envie de contempler ce spectacle, tout en essayant de garder un œil sur la route pour éviter de se faire surprendre par un orignal (j'en ai d'ailleurs croisé sept au total ce soir-là !). La ville d'Homer en elle-même ne m'a pas réellement subjugué. Son attraction principale est peut-être sa longue jetée de 6 kilomètres, au bout de laquelle se trouvent un port de plaisance et de très nombreuses boutiques. Ces dernières étaient pour la plupart fermées en cette saison, cela n'a pas du aider à me faire bonne impression.
Ce qui a certainement retenu le plus mon attention au sud de la péninsule est la présence marquée de communautés russes expatriées, dont les coutumes ont perdurées au fil des décennies : dialecte d'origine russe, costumes traditionnels, mariage dès l'adolescence, etc. C'est probablement le village de Nikolaevsk (environ 300 habitants), situé dans les terres, qui concentre aujourd'hui la majeure partie de cette communauté. L'église orthodoxe de Ninilchik en est un autre marqueur important.
À environ 5 heures de route au nord d'Anchorage, j'attendais la visite du parc national de Denali avec impatience. Celui-ci s'annonçait comme le moment phare de mon passage en Alaska. Une nouvelle fois, la route qui m'y mène est grandiose et offre des panoramas sublimes. Mais je me rends également compte que les abords sont encore très, très enneigés.
Le parc est le plus célèbre et le plus visité d'Alaska. Il a été créé en 1917, puis considérablement agrandi en 1980. Il est composé de montagnes, forêts, lacs. Il est connu pour sa beauté et pour abriter le Mont Denali, plus haut sommet d'Amérique du Nord. Son altitude (6 194 m), son climat extrême et sa situation géographique arctique (seulement à 400 km au sud du Cercle Polaire) en font l'un des sommets les plus difficiles à escalader au monde.
Les glaciers couvrent 16% de la surface du parc.Source : Wikipédia
Autre élément important : une seule et unique route parcourt le parc. Et celle-ci est n'est qu'en partie accessible aux véhicules personnels (40 des 150 kilomètres). Lorsque l'on souhaite s'immerger plus profondément dans le parc, il est nécessaire de prendre des navettes (gratuites), ou de prendre part à l'un des trois tours guidés, en car. Compter tout de même entre 80 et 208 USD, pour des tours durant de 5 à 12 heures.
À mon arrivée, je comprends rapidement que le taux d'enneigement pour la saison reste exceptionnel, et qu'il va être compliqué de profiter pleinement du parc. Malgré le prix demandé, j'avais tout de même tête de prendre part à l'un des tours en bus, afin de pouvoir admirer toute l'étendue du parc et surtout, pour maximiser mes chances de contempler sa faune exceptionnelle. Le parc est notamment connu pour accueillir de nombreux ours, noirs principalement, mais des grizzlis, des ours kodiak et des ours blanc. En ce début mai, les ours commencent à sortir de leur phase d'hibernation (ou pseudo-hibernation) et sont en recherche active de nourriture. Malheureusement, la route n'était pas encore ouverte au-delà du 40e kilomètre, donc pas de tour en bus, pas d'avantage de navette gratuite, mais un simple aller-retour en voiture. Quelques heures durant lesquelles j'ai pu palper toute l'immensité du parc, mais qui ne m'ont pas permis de croiser le moindre animal sauvage significatif. Je n'ai pas eu plus de chance avec l'observation du Denali, invisible depuis cette portion de route.
Une nouvelle fois, l'hiver particulièrement long et compliqué me précède, et m'empêche de profiter pleinement du lieu. Après une journée passée dans le parc, cette visite en voiture et une randonnée les pieds dans la neige, je me vois difficilement rester une journée supplémentaire. J'ai presque honte de quitter le troisième plus grand parc des États-Unis après n'y avoir consacré que quelques heures, mais mes possibilités manquent clairement.
Le lendemain, jour de mon anniversaire, je décide de me lancer dans un challenge d'une toute autre envergure : rejoindre le célèbre bus dans lequel a vécu Christopher McCandless, dont l'histoire a inspiré le livre Into The Wild (ensuite adapté en film). Ce sentier, long d'un peu plus de 30 kilomètres (60 aller-retour donc), est connu pour être très difficile : non entretenu et non balisé, traversés de rivières, présence d'ours, etc. Les locaux n'ont d'ailleurs que peu d'estime pour les nombreux fans du livre/film qui s'y aventurent, sans l'expérience nécessaire. Bien qu'étant le premier à manquer d'expérience, bien qu'était seul (ce qui apporte un risque supplémentaire non négligeable), j'avais pris soin d'étudier le sentier et de m'équiper correctement, pour palier à toute éventualité. Avec l'ambition de réaliser la randonnée en deux jours et de passer la nuit dans le bus.
Alors que la traversée des rivières est parfois dangereuse au cœur de l'été, lorsque la fonte des neiges augmente considérablement leur niveau et leur débit, la mi-mai me paraissait être une bonne période. Malheureusement, pour changer, j'ai une nouvelle fois dû m'avouer vaincu par le niveau d'enneigement exceptionnel. Après seulement une trentaine de minutes de marche à chanter « Une petite souris verte… » pour éloigner les ours, de la boue jusqu'aux chevilles, de l'eau glacée jusqu'aux tibias, ou de la neige jusqu'aux genoux, l'idée de randonner les 8/10 prochaines heures ainsi ne me semblait pas raisonnable. Sans parler du retour, avec la fatigue en plus. Je ne verrai donc jamais ce lieu mythique, mais j'aurais essayé, j'aurais espéré.
La dernière étape de mon périple en Alaska me mène à Fairbanks, deuxième ville la plus peuplée de l'État, située à 200 kilomètres au nord du parc Denali. L'endroit est une place de choix pour profiter des aurores boréales… mais certainement pas courant mai, où la nuit ne pointait le bout de son nez que trois petites heures chaque jour ! Ceci restera d'ailleurs à peu de chose près mon unique souvenir de mon passage par Fairbanks, ville qui m'a peu séduit. Il y a bien deux-trois monuments, un parc reconstituant une partie de la citée telle qu'elle l'était lors de la ruée vers l'or, mais c'est à peu près tout.
À quelques minutes de voiture au nord de la ville, j'ai néanmoins pu approcher l'oléoduc trans-Alaska, qui m'est apparu comme une vraie fierté nationale !
L’oléoduc trans-Alaska relie les champs pétrolifères du nord de l'Alaska à Valdez, port maritime libre de glace d'où le pétrole peut être acheminé pour raffinage. Il traverse tout l'État, du nord au sud, sur 1 288 km. Mis en service en 1977, sa construction a nécessité un investissement de 8 milliards de dollars et le concours de près de 70 000 personnes.
Chaque heure, plus d'un million de dollars d'or noir le parcourt. Il faut au total entre 15 et 16 jours au fluide pour rallier l'extrémité sud du tube.
Source : Wikipédia
Dans un film documentaire visionné à Fairbanks, j'ai pu entendre un intervenant au projet comparer sa construction à celle de l'une des 7 merveilles du monde. Rien que ça ! Alors certes, il s'agit bien d'un projet titanesque, qui a rencontré de très nombreuses contraintes, notamment géographique et géologiques, mais tout de même… Cela reste du pétrole, une saignée dans une région fragile et des fuites dévastatrices. Le patriotisme américain !
Pour finir mon tour de l'Alaska, j'avais prévu de rejoindre le Yukon, et plus spécifiquement la ville de Dawson City, via une route au nom très évocateur : la Top of the world highway. Longue de seulement 105 kilomètres, celle-ci est fermée en hiver. Le poste frontière qu'elle traverse l'est donc également.
À mon arrivée à Fairbanks, la route n'était toujours pas accessible, mais devait ouvrir deux jours plus tard, le 15 mai, selon les informations qui m'avaient été communiquées. Je décide donc de passer deux nuits supplémentaires à Fairbanks, essayant tant bien que mal de trouver de quoi m'occuper pour pas trop cher. Le 15 mai, après 4 heures de route, au moment de m'engager vers mon Graal, je préfère m'assurer de son ouverture en appelant les services douaniers. Route toujours fermée. Taux d'enneigement trop important. Pas de date d'ouverture prévue. Je n'ai alors d'autre choix que de retourner vers Whitehorse et de faire le deuil de ce passage qui s'annonçait exceptionnel. Je décide également d'oublier Dawson City, qui nécessiterait dès lors un aller-retour de 1 100 kilomètres depuis la capitale du Yukon. Une nouvelle fois, la neige aura eu raison de mon enthousiasme…
Au moment de repasser côté canadien, j'ai un réel goût d'inachevé sur ces 11 jours passés en Alaska. De manière évidente, j'y suis venu trop tôt (au moins 3 semaines je pense). Mais j'ai aussi joué de malchance, avec un hiver particulièrement marqué par la neige. J'ai parfois eu le sentiment de gaspiller mon temps, notamment lorsque j'attendais à Anchorage que les tours du parc Denali commencent. Ou lorsque j'attendais à Fairbanks que la Top of the World Highway ouvre. Ma visite du parc Denali reste d'ailleurs sans doute ma principale déception. Pas seulement parce que je n'ai pas eu la chance d’en apercevoir le sommet, mais surtout parce qu'en cette intersaison, il était très difficile d'en profiter réellement : les tours en chiens de traîneaux étaient terminés lorsque les tours en bus commençaient à peine. Le fait de ne pas avoir réellement pu randonner dans de bonnes conditions durant cette semaine et demi (3 randonnées avortées sur 4) est également une déception. À noter que la météo n’était pas idéale non plus : peu de pluie, mais un ciel systématiquement très couvert.
La meilleure période pour visiter l'Alaska est clairement l'été et mieux vaut avoir de l'argent pour en profiter pleinement. En effet, outre les onéreux tours en bus dans le parc Denali, de nombreuses compagnies proposent des survols de la péninsule en hydravion ou en hélicoptère, ainsi que de nombreuses croisières à la découverte des nombreux glaciers. Nul doute que cela permet d'apprécier cet espace, resté encore relativement sauvage, à sa juste valeur.
Malgré cette légère pointe de déception, je reste très heureux d'avoir parcouru ce vaste État. Cela reste pour moi une superbe expérience. Je pense que le jeu d'un voyage est également de savoir accepter de ne pas toujours visiter un lieu au moment opportun.
Place maintenant à une traversée du Canada, pour un retour très attendu au Québec !
« Il n'y a pas d'homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. »
– Alphonse de LamartineAlors, plusieurs choses : je prends tous les 2/3 jours des notes "factuelles" dans un carnet, de ce que j'ai fait/vu (où j'étais, distance parcourue, POI vus, etc.). Ensuite, je notes souvent des idées et des impressions dans mon téléphone (un peu tout et n'importe quoi), que j'utilise ensuite au moment opportun. Ensuite, pou rédiger, j'essaie de prendre du temps quand je peux (quand je suis dans une ville et que je peux me poser dans un café ou une librairie en gros). C'est un temps conséquent, que je pourrais consacrer pour plus visiter ou plus conduire, mais bon, c'est un choix :p