Après une pause forcée d'une journée, due à une météo capricieuse, je reprends ma route vers l'ouest. Prochaine étape, le parc national Terra-Nova. Là, parmi les randonnées proposées, une m'attire particulièrement : l'Outport Trail. Une bonne randonnée de 32 kilomètres, aller-retour, qui se fait normalement sur deux jours. Confiant de ma forme suite à mes dernières marches, j'aimerais la réaliser en une journée. Problèmes : il me faut déjà me rendre sur les lieux (70 kilomètres de stop) en espérant arriver de bonne heure et, surtout, est-ce bien raisonnable de partir seul ?
Au bord de la route dès les premières lueurs, j'arrive finalement au terrain de camping, point de départ de la randonnée, peu après 9h00. La personne qui m'accueille me fait bien comprendre qu'effectuer cette randonnée en une journée est osé, mais pourquoi pas… Alors que je dresse ma tente, ne voulant pas avoir à accomplir cette tâche à mon retour, un garde viendra à ma rencontre, afin de jauger mes ambitions et ma condition physique. Rassuré (du moins, j'imagine), il me donnera quelques conseils, son numéro de téléphone personnel et me prêtera sa veille carte du parc, une petite clochette à porter à la ceinture, sensée éloigner les ours et, au cas où cela ne suffit pas… son spray répulsif !
10h30, je m'élance dans cette marche qui s'annonce, longue, très longue. Le parc l'estime à 11 heures, je prévois de la réaliser en un maximum de 9h30.
Après une petite heure de marche en forêt, premier cadeau de la nature : le sentier longe un fjord, entre feuillages et reliefs. La lumière du jour offre qui plus est de sublimes et parfaits reflets.
À mi-parcours du chemin aller, le sentier se dédouble. En partant sur la gauche, on peut accéder au sommet du Mont Stamford. Est-ce bien raisonnable de prolonger la randonnée de 3 kilomètres (1,5 kilomètre aller-retour) ? Peut-être pas. Puis-je louper cette vue ? Non ! Et effectivement, quels panoramas sur le parc et ses fjords. Sûrement l'une des plus belles vues qu'il m'ait été donné de voir au Canada jusqu'alors. Ne manquait que les icebergs, déjà partis vers de plus lointaines eaux depuis quelques semaines.
Après être redescendu, je reprends le sentier initial pour me diriger jusqu'à une première anse : l'anse Minchin. Celle-ci fait office de checkpoint, puisqu'un espace de camping s'y trouve. J'y découvre une nouvelle fois des panoramas magnifiques, dans un calme parfait. Je tombe également sur les vestiges d'un ancien moulin, contrastant avec l'ambiance générale.
C'est après quatre heures de marche que j'atteins l'anse South Broad, finalité du sentier. Toujours dans un cadre exceptionnel, je m’octroie une pause pique-nique avant de m'élancer sur le chemin du retour.
18h00, 7h30 de marche plus tard, je rejoins le camping. Les pieds souffrant, mais la satisfaction d'avoir réussi ce challenge personnel. L'idée de m'élancer seul dans cette longue randonnée était peut-être stupide, mais j'estime que c'est en se « challengeant » que l'on apprend à se connaître, à connaître ses limites. Et pour le coup, même si cette randonnée aura laissé des traces dans les jours qui ont suivis (douleurs aux pieds), je pense que j'étais encore assez loin de mes limites ce jour-là. Journée durant laquelle j'aurais marché au total plus de 42 kilomètres, selon mon smartphone.
Droit d'entrée quotidien au parc : 7,80 CAD. Gratuit en 2017.
Après une « bonne » nuit de sommeil (en tente, le terme « bonne » est tout relatif), je reprends la route le lendemain matin. Objectif de la journée : Twillingate, l'un des plus anciens ports de pêche de l'île, situé à 200 kilomètres du parc national Terra-Nova. C'est également un endroit stratégique pour l'observation des icebergs, en faisant un lieu particulièrement touristique.
Comme déjà expliqué, point d'icebergs en cette fin août, mais le charme d'un petit village toujours bel et bien présent. Rien de bien nouveau néanmoins pour moi (depuis Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, j'ai déjà eu l'occasion de voir ce genre de localité à plusieurs reprises) ; j'en ferais donc le tour assez rapidement mais toujours avec beaucoup de plaisir.
J'achève cette courte journée de visite par un passage au phare de Long Point. Un peu déçu par l'édifice en lui-même, j'y aurais bien effectué une petite randonnée, mais… mes pieds ont dit « non ! »… :( Je me contenterais donc de nouveaux points de vue sur la côte Terre-Neuvienne. Impossible de s'en lasser.
Finalement, alors que j'avais initialement prévu de passer la nuit à Twillingate, je décide de tenter un dernier pari : rejoindre Gander, ville située à environ 120 kilomètres, avant le coucher du soleil. 5 lifts plus tard, j'y parviendrais.
Gander est une ville construite autour d'une base militaire. Située en première ligne sur la côte Atlantique de l'Amérique du Nord, celle-ci a joué un rôle important dans le ravitaillement des vols transatlantique durant la Seconde Guerre mondiale, époque où l'autonomie des avions était limitée. La guerre achevée, l'aéroport a été transformé en aéroport international civil.
Plus récemment, l'infrastructure a joué un rôle majeur durant les attentats du 11 septembre 2001. Alors que l'espace aérien des États-Unis était fermé, 39 vols transatlantiques ont été déroutés vers Gander. Les locaux ont alors ouvert leurs portes aux passagers, bloqués au beau-milieu de Terre-Neuve durant au moins trois jours. Cet épisode fait actuellement l’objet d’une adaptation en pièce de théâtre à succès à Broadway (New York).
À noter qu'à Terre-Neuve-et-Labrador notamment, j'ai souvent fait le choix de revenir passer la nuit dans de plus importantes agglomération, sans endroit magique pour planter ma tente et sans charme, il faut bien l'avouer. Mais celles-ci ont plusieurs avantages dans mon cas : m'offrir un minimum de confort, un endroit où me poser, avec du wifi et des toilettes (les cafés Tim Hortons la plupart du temps, où alors un Subway, un MacDonald, etc.) et des supermarchés pour me ravitailler à moindre frais. Cela ne fait pas vraiment rêver, mais ça fait le job !
« La vie est un risque, si tu n'as pas risqué, tu n'as pas vécu. »
– Sœur Emmanuelle