Pour être honnête, en montant dans le car pour Santa Clara, je n'avais aucune idée d'où j'allais. Je me suis assez rapidement rendu compte que je faisais route vers l'ouest… à 300 kilomètres de Camagüey. Alors qu'il me restait encore une semaine à passer à Cuba, je n'avais pas vraiment prévu de revenir si rapidement vers La Havane. Pas du tout en fait. Cependant, cette erreur de routage a eu le mérite de clore une question que je me posais depuis quelques jours : dois-je aller à Santiago de Cuba, deuxième ville du pays, située à l'extrême sud-est, et ainsi prendre le risque de ne pas avoir le temps de visiter l'ouest de La Havane ? Désormais, la question ne se pose plus !
Lors de l'enregistrement de mon bagage à Trinidad, j'avais été sommé de laisser une pièce dans une panière située sur le bureau de l'agent Viazul. J'ai demandé une explication, sans succès. J'ai donc laissé 1 CUC, tout comme le couple de Suisses qui m'accompagnait, alors qu'eux avaient enregistré deux bagages…
J'ai compris lors de mon départ de Camagüey que, pour éviter d'avoir à payer ce pot-de-vin, il suffit de ne pas faire enregistrer le bagage et de se présenter devant la soute, au moment de l'embarquement. L'inconvénient est que l'on monte alors dans les derniers, sans réellement avoir le choix de la place.
Arrivé à Santa Clara en milieu d'après-midi, après plus de cinq heures de trajet, je me fais une nouvelle fois harceler par des cubains me proposant taxis et casas ; ceux-ci allant même jusqu'à me suivre en insistant alors que je prenais la direction du centre-ville. Pour la première fois depuis mon arrivée à Cuba, j'ai dû hausser le ton pour me faire entendre, suscitant l'étonnement de pas mal de personnes à proximité. Je comprends parfaitement qu'ils aient besoin des touristes, qu'ils puissent parfois être un peu insistants, mais pour le coup, c'était visiblement la seule manière de leur faire comprendre que je n'avais pas besoin d'eux.
Peu après, en chemin, je me fais de nouveau aborder par un homme d'une trentaine d'années, occupé à la réparation de son vélo. Alors que j'aurais dû l'envoyer chier, comme les autres, je décide de l'écouter. Il me propose un hébergement dans la casa de son oncle, située à quelques mètres. Après avoir « imposé » mon tarif, j'accepte de le suivre. Bien m'en a pris puisqu'il m'a conduit dans une magnifique maison occupée par un couple de retraités. Tous deux étaient professeurs d'éducation physique, lui ayant même été coach de l'équipe nationale de volley-ball ! Ils se sont révélés extrêmement accueillants, sympathiques et instructifs.
Les bagages déposés, je profite des quelques heures restantes avant la tombée de la nuit pour faire un tour dans le centre-ville. Je me rends très rapidement compte que Santa Clara est fortement chargée d'histoire et qu'une demi-journée ne suffira pas à sa visite. En fait, sans le savoir (je n'avais à peu près rien lu sur Cuba avant d'y arriver en fait…), je me retrouve dans la ville qui a fait la légende d'Ernesto Rafael Guevara, alias « Che Guevara ».
Pendant la révolution cubaine, le 28 décembre 1958, accompagné de seulement 300 hommes, Che Guevara parvint à prendre la ville avec l'aide d'une partie de la population et à vaincre les quelques 3 000 soldats du dictateur Batista qui la défendaient. Le lendemain, Che Guevara infligeait une nouvelle défaite aux troupes gouvernementales en faisant dérailler un train militaire transportant 408 soldats et tout un arsenal d'armes, qui devaient bloquer la progression des rebelles. Après s'être emparé des points stratégiques de la ville, ces derniers parachevèrent leur victoire par l'encerclement des hommes de Batista, lequel pris alors la fuite vers Saint-Domingue le 1er janvier 1959 et accéléra la chute de son régime.
C'est aussi là que le Che a été inhumé en 1997 (trente ans après sa mort), dans un mausolée avec d'autres de ses compagnons de guérilla.Source : Wikipédia
Situé sur les lieux mêmes de l'attaque, le parc-musée « Tren Blindado » est un incontournable de Santa Clara. La visite est normalement payante (deux ou trois CUC me semble-t-il). Aucun panneau de le signalant à l'entrée, je l'ai appris lorsqu'une personne s'est précipitée vers moi pour me l'indiquer. Trop tard, j'avais déjà fait le tour !
Non loin, se trouve une autre statue – à échelle humaine – de Che Guevara, tenant un enfant. Située devant le siège régional du Parti communiste (PCC), celle-ci est considérée par les cubains comme la plus belle représentation du guérillero (notamment de par la présence de l'enfant). En y regardant de plus près, on peut apercevoir de nombreux détails, retraçant quelques un des événements marquants de la vie du Che : dans la boucle de sa ceinture, on peut par exemple voir les 38 hommes avec qui il a été capturé en Bolivie.
Dernière étape de ce pèlerinage révolutionnaire : la colline del Capiro. Cette petite montagne (177 mètres de haut) fut stratégique dans la prise de la ville par le Che et ses hommes. Aujourd'hui, un monument érigé en son sommet commémore la bataille. D'un point de vue personnel, cet endroit m'a surtout intéressé de par le magnifique point de vue qu'il offre sur la ville et ses environs (encore faut-il en trouver l'entrée !).
Outre son passé révolutionnaire, Santa Clara est également une citée très vivante. Cela se ressent notamment sur le « Boulevard », artère commerçante située au cœur de la ville et dans le parc Leoncio Vidal. Autour de ce dernier, on retrouve, entre autres, el Teatro La Caridad, l'un des derniers théâtres aux allures coloniales du pays, et la bibliothèque publique José Marti (n'hésitez pas à monter pour observer le parc sous un autre angle !).
Après avoir réalisé la portée historique de la ville, j'avais décidé de rester une nuit supplémentaire à Santa Clara. Pour cette seconde soirée, j'ai été convié par le neveu de mes hôtes (celui même qui m'avait suggéré la casa deux jours plus tôt) à me joindre à lui, sa copine et ses amis pour participer à un grand concert gratuit. Toute la jeunesse Santaclareña était réunie pour assister, notamment, au show final de Buena Fe, groupe cubain mondialement connu (même si, personnellement, je ne connaissais pas), alors en tournée dans le pays. Ce fut pour moi une expérience enrichissante que de voir ces milliers de personnes se réunir et profiter du spectacle, sans trouver trace des excès liés à ce genre d'événements, entrés dans les habitudes occidentales : alcool, drogue, usage intensif des réseaux sociaux (« Coucou, t'as vu, je suis au concert de Buena Fe, et pas toi ! Like pour me montrer à quel point je suis cool et à quel point t'es super méga jaloux stp ! »). Qui plus est, j'ai réellement eu le sentiment d'avoir été le seul touriste à assister aux concerts. Kiffant !
J'ai débarqué à Santa Clara par hasard mais ce fut sans regret. Je pense que consacrer au moins une journée dans cette ville constitue une étape essentielle lors d'un voyage à Cuba, pour peu que l'on souhaite en apprendre d'avantage sur la révolution cubaine et sur le Che.
« Ce n'est pas le voyage qui amène aux rencontres mais la disponibilité d'esprit. »
– Alain Kalita