Voilà maintenant plus d'un an que l'idée de cette ultime aventure au Canada m'anime, voire m'obsède : celle de traverser le deuxième plus grand pays au monde, d'une côte à l'autre, en vélo. Près de 8 000 kilomètres d'un long périple à travers les montagnes Rocheuses, les plaines, cette vaste province qu'est l'Ontario, les Maritimes, pour finir par Terre-Neuve. Mais avant d'en arriver là, de nombreuses étapes de préparatifs s'imposent !
L'avantage d'avoir nourri cette ambition durant plus d'un an est d'avoir eu la possibilité de rencontrer quelques personnes ayant déjà réalisé ce défi et d'avoir eu le temps de me renseigner un minimum sur le sujet. L'une des premières choses que j'ai apprises est qu'il est plus commun de partir de l'ouest pour rejoindre l'est, pour profiter de vents plus favorables. Certains estiment ce paramètre négligeable, les vents étant très changeants, mais c'est visiblement le sens privilégié. Mon départ se fera donc de Victoria, kilomètre 0 de la route transcanadienne, pour rejoindre St John's, sur l'île de Terre-Neuve. Dans mes plans, j'ai prévu de m'élancer le 15 août, pour un périple qui devrait durer aux maximum 10 semaines.
Durant l'année écoulée, pensant chaque jour à ce défi, j'ai également eu le temps de lister le matériel que j'estime nécessaire. N'ayant aucune expérience passée en matière de voyage longue distance en vélo, je dois me baser sur mes lectures et sur ma pratique du vélo de route en France.
Lorsque je termine mon road trip à Calgary, début août, ma priorité est de vendre mon véhicule. Pour cela, je m'efforce de le rendre « présentable », comprendre par là qu'il faut que je le nettoie entièrement, mais surtout qu'il me faut supprimer toute évidence de l'aménagement sommaire que je m'étais construit ces derniers mois. Une bonne partie de mon matériel ne me sera d'ailleurs d'aucune utilité sur un vélo : le matelas, les oreillers, la glacière, le GPS, etc. Il me faut donc tout vendre ou donner. Au bout de deux jours, je me retrouve donc à devoir dormir dans ma voiture, sur un matelas de camping, dans un confort plus que rudimentaire.
Au Canada, chaque province fonctionne un peu comme un pays au sein d'une union, chaque province ayant ses propres législations (évidemment chapeautées par une législation fédérale).
Pour la vente de mon véhicule, ceci a été une contrainte majeure. Commençant mon parcours à Victoria, en Colombie-Britannique, j'aurais logiquement dû essayer de m'en séparer à Vancouver, principale ville de la province. Mais mon véhicule étant enregistré en Alberta, il m'aurait fallu passer par un processus d'importation du véhicule. Processus qui impose une inspection rigoureuse de celui-ci, à mes frais, et pouvant éventuellement déceler des anomalies à corriger avant d'entamer le processus de vente.
Voici pourquoi je me suis résolu à retourner à Calgary, principale ville de l'Alberta, pour vendre le mini-van.
(Cette inspection est requise dans certaines provinces, mais pas dans toutes)
En revenant à Calgary, j'avais envisagé d'y passer quelques jours et de boucler cette vente rapidement. Mais celle-ci s'est avérée plus compliquée que prévue. Beaucoup de véhicules sur le marché, le mien étant un modèle peu commun et possédant désormais un fort kilométrage (238 000 kilomètres au compteur). Néanmoins, hors de question pour moi de me résoudre à brader Morrice, qui constitue l'essentiel de mes économies pour la suite de mon voyage. Il m'aura fallu patienter dix jours au total, passés essentiellement entre les murs d'une librairie, pour voir se pointer l'acheteur final. Une longue période, un peu stressante, mais au terme de laquelle j'ai réussi à récupérer suffisamment d'argent pour envisager la suite.
Coût total du véhicule : environ 5 848 $ (3 850 €) pour 4 mois d'utilisation.
Comme les chiffres ci-dessus le révèlent, acquérir, assurer, aménager et entretenir un véhicule durant cette aventure de quatre mois m'aura coûté un bras. D'ailleurs, avant ce road trip s'est posée la question de la location d'une voiture, à la place de l'achat. Voyant le coût de l'entretien et la difficulté à la revente, je m'étais de nouveau posé la question par la suite. Au final, la réponse est claire : acheter fut plus intéressant que louer. Après quelques rapides recherches, la location d'un véhicule semblable, me permettant de coucher à l'intérieur, sur une durée aussi longue, avec kilométrage illimité, m'aurait coûté aux alentours de 7 000 CAD.
Dès la voiture vendue, je glisse ma plaque d'immatriculation dans un carton prêt à être expédié pour la France depuis maintenant plus d'une semaine, contenant tout ce qui ne m'aidera pas à pédaler plus rapidement. Je fonce ensuite chez Postes Canada et me fait finalement déposer par le nouveau propriétaire de mon mini-van en bordure d'autoroute, prèt à faire de l'auto-stop, direction Vancouver. Alors que les jours précédents semblaient interminables, tout est allé extrêmement vite ce matin-là !
Près de 1 000 kilomètres plus tard, j'arrive le lendemain midi à Vancouver. Après avoir réalisé St John's - Edmonton en pouce l'an passé, je peux désormais affirmer que j'ai également traversé le Canada en auto-stop, d'une côté à l'autre !
Je débarque à Vancouver le 16 août, soit le lendemain de ma date limite de départ initialement envisagée. Autant dire que je suis à la bourre et que je ne perds pas de temps. Je fonce dans un quartier où se trouvent plusieurs magasins de vélo, ainsi que MEC, l'équivalent canadien de Décathlon. En une après-midi, en courant à droite et à gauche, avec mes sacs plastiques sous les bras (une vraie galère !), j'arrive finalement à dégoter un vélo dont j'avais repéré le modèle sur internet (Trek 520 Disc) ainsi que la quasi-totalité de l'équipement dont j'ai besoin. Il me faut néanmoins patienter jusqu'au lendemain matin pour pouvoir disposer de ma nouvelle monture.
Le vélo près, il ne me reste plus qu'à me rendre sur la ligne de départ : direction Victoria, capitale de la Colombie-Britannique, située sur l'île de Vancouver. Histoire de m'échauffer un peu, et d’appréhender la bête, je décide de m'y rendre en vélo. J'avais initialement prévu de couvrir la centaine de kilomètres dans la journée, mais parti un peu tard en ce 17 août, la nuit me contraint à m'arrêter à la sortie du ferry. Et pour être honnête, les maigres premiers 50 kilomètres parcourus ce jour-là m'ont déjà exténué. Après près de deux ans passés loin des pédales, la reprise est compliquée. Mais quel bonheur de se retrouver à nouveau sur une selle, quelle sensation de liberté !
Ce n'est finalement que le lendemain midi que je mets les pieds sur la ligne de départ. Après un rapide repérage (essentiel avant telle épreuve ! :D), je boucle mes derniers achats, plante ma tente à l'abri des regards, et m'endors, en essayant d'imaginer ce que les semaines à venir vont me réserver. J'ai déjà quatre jours de retard sur mon programme initial, mais qu'importe, après un an d'attente, je suis enfin là, prêt, prêt à en découdre !
« Vivez, voyagez, soyez aventureux, bénissez et ne soyez pas désolé. »
– Jack Kerouac