Deuxième jour de repos depuis mon départ. Même si je me sens relativement en forme, je sais que mon corps en avait besoin et que c'était psychologiquement nécessaire avant de continuer à en découdre avec l'Ontario. Je passe cette journée à me reposer autant que possible, à profiter d'une première grasse matinée dans un lit depuis des semaines… Je fais également un crochet par un magasin de vélo, pour une nouvelle inspection de ma bécane, qui a quelques problèmes mécaniques récurrents, notamment depuis avoir heurté une plaque métallique lors de la 12e journée. Après avoir notamment changé trois rayons sur la roue arrière, le mécanicien m'indique que cette dernière serait à remplacer à court terme. Trop de poids sur l'arrière, pour une roue pas adaptée. L'occasion d'en apprendre bien plus sur mon vélo (entre autres), pas aussi performant que je l'avais envisagé et mal préparé. J'y reviendrai plus longuement dans une conclusion sur cette aventure.
Après une bonne journée de repos, deux nuits de suite dans un « vrai » lit (ce qui n'avait pas dû m'arriver depuis près de deux mois), difficile de repartir à l'attaque en ce lundi matin… Mais il le faut ! Partir de Thunder Bay marque le début d'une nouvelle étape de la traversée : longer le lac Supérieur sur 700 kilomètres, avant d'atteindre Sault Ste. Marie. Si la distance n'est pas si effrayante en soit, le dénivelé positif total l'est un peu plus : environ 6 700 mètres, sans réelle longue ascension. Autrement dit, 700 kilomètres à passer des bosses ! Il va également me falloir composer avec des vents de sud, alors que l'essentiel de la route se dirige… vers le sud.
Pour cette première journée en bordure du lac, tout se passe très bien sur les 115 premiers kilomètres jusque Nipigon. Les vents me sont favorables et les pentes point trop sévères. Sur la seconde partie de journée, les choses sont toutes autres : après avoir viré sud-est, les vents deviennent impitoyables. Probablement les plus défavorables avec lesquels j'ai eu à composer jusqu'à présent. Parti un peu tard le matin et ralenti par ces maudits vents, je ne parviens pas à atteindre mon objectif du jour, Schreiber, et suis contraint de mettre fin à mon étape une vingtaine de kilomètres en amont. Qu'importe, encore 188 kilomètres de parcourus !
La veille, j'avais plus ou moins planifié une étape de 200 kilomètres pour ce jour 24. Mais au réveil, très matinal, trop matinal, j'avais plutôt envie de rester dans la tente, plantée juste en bordure de lac. Il ne m'aura fallu que quelques secondes de concertation avec moi-même pour me convaincre qu'une courte étape d'une centaine de kilomètres serait bien suffisante pour aujourd'hui ! Finalement, bien m'en a pris puisque la journée n'a été qu'une succession de montées et de descentes, avec un vent de face toujours aussi intraitable. Uniquement 115 kilomètres réalisés ce jour, mais si j'avais voulu pousser plus loin, la prochaine ville se trouvait à … 90 kilomètres.
En planifiant cette journée, atteindre Wawa m'apparaissait compliqué, mais envisageable. Compliqué parce que loin, parce 1 300 mètres de dénivelé positif et parce que des vents contraires. Mais envisageable en partant de bonne heure et de bonne humeur :) Cette 25e étape s'est finalement bien mieux passée qu'escompter, puisque les 100 premiers kilomètres jusque White River passent à une vitesse inespérée. Les vents me sont favorables, ou du moins pas trop défavorables. Aussi, j'ai d'excellentes sensations, donc je ne m'arrête pas sur cette portion, si ce n'est pour avaler une banane et deux barres de céréales (histoire d'éviter la fringale !) et pour un ravitaillement en eau. Passé cette petite localité, les choses se compliquent un peu, subissant continuellement l'assaut des rafales de vent. J'atteins malgré tout Wawa avec deux heures d'avance sur le meilleur horaire espéré, après avoir filé à plus de 24 km/h de moyenne. Une longue journée, mais une journée comme je les aime !
Encore une excellente journée aujourd'hui, probablement la plus agréable depuis mon départ de Victoria, il y a près d'un mois. Alors que je n'ai pas vraiment pu profiter des paysages dans les Rocheuses, à cause de la fumée persistante, alors que je connaissais déjà les prairies canadiennes, pour les avoir traversées à deux reprises, j'ai cette fois vraiment pris le temps d'apprécier la sublime côte du lac Supérieur. J'avais déjà emprunté cette route à deux reprises depuis mon arrivée au Canada, mais n'avais jamais vraiment relevé les nombreux points de vue qu'elle a à offrir. Alors avec une météo radieuse, un ciel d'un bleu pur, de l'eau à perte de vue et des montées comme je les aime, il ne m'en fallait pas plus pour rouler le sourire aux lèvres :)
Cette 26e journée de vélo est également un peu particulière, puisqu'elle marque la mi-parcours du périple. Déjà, ai-je envie de dire, mais cela signifie aussi qu'il me reste encore un mois à passer en selle !
Uniquement trois petites heures à mouliner aujourd'hui, mais c'était pour le bien de ma monture. Toujours suite à mon choc sur la roue arrière, voilà deux semaines, j’enchaîne les pépins (et les frais) sur cette dernière. Peu après avoir remplacé trois rayons cassés à Thunder Bay, au moins trois nouveaux ont rapidement rendu l'âme, m'obligeant à rouler ces derniers jours avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : vais-je atteindre le prochain magasin de vélo à Sault Ste. Marie avant qu'elle ne finisse par plier ou non ?! J'y suis finalement parvenu, peut-être parce que j'ai essayé de ne pas trop forcer dessus, peut-être parce qu'après tout, elle est plus résistante qu'elle ne le laisse penser. Toujours est-il que cette jante part au rebus et est remplacée par une nouvelle, que j'espère plus à robuste. Encore des frais, toujours des frais (une faute d’inattention à 380 $ au final…), mais j'ai bon espoir que ce soient les derniers !
Avec une jante toute neuve et les réparations effectuées en début de semaine à Thunder Bay, suite à une mauvaise préparation du vélo, je dispose probablement ce matin de ma meilleure monture jusqu'à présent. Si l'on ajoute à cela une journée passée sans la moindre douleur/gêne, une météo parfaite, et une belle route intéressante, cette étape de 208 km a idéalement conclu cette semaine passée en Ontario !
Au départ de Thunder Bay après mon jour de repos, je suis parcouru d'une étrange impression : celle de de toucher au but, celle d'en avoir presque terminé. Et si en réalité je n'ai pas encore fait la moitié du parcours à ce moment-là, cette sensation est probablement dû au soulagement de laisser derrière moi les Rocheuses, les prairies, mais aussi cette section entre la frontière américaine et Thunder Bay. Je savais pourtant que rejoindre Sault Ste. Marie ne serait pas une mince affaire, bien loin de là ! J'avais en effet déjà parcouru cette route de 700 kilomètres à deux reprises auparavant : une première fois l'an passé, lorsque j'ai fait de l'auto-stop depuis le Michigan jusque Fort McMurray, puis cette année, durant mon road trip.
Finalement, au-delà des montées incessantes qui se sont présentées à moi chaque jour, c'est surtout le vent de sud qui m'a créé du tort. Cette impression de lutter contre l'invisible, de se fatiguer inutilement est particulièrement horrible, probablement d'avantage encore que de rouler pendant deux heures sur une route parfaitement droite. Une autre difficulté de cette quatrième semaine fut de planifier mes étapes. Toutes les villes sont grosso modo espacées d'une centaine de kilomètres. Difficile pour moi de me résoudre à conclure ma journée à 15h, mais tout aussi compliquer de se projeter moralement dans une journée de 200 kilomètres, où il faudra sans cesse monter et descendre.
Malgré ces difficultés, et malgré avoir réalisé ma semaine la moins productive jusqu'ici, avec « seulement » 923 kilomètres roulés, j'achève cette quatrième période empli de satisfactions. Satisfait d'avoir désormais fait plus de la moitié du chemin. Satisfait d'avoir passé le lac Supérieur. Satisfait de voir que ce voyage à vélo a fini par me faire réellement découvrir la beauté de la route qui longe cette étendue d'eau (il s'agit du plus vaste lac d'eau douce au monde !). Satisfait de constater que mes diverses blessures s'estompent, malgré le peu de repos que je m'accorde. Et finalement satisfait de disposer enfin d'un vélo digne, alors que je roulais depuis plus de deux semaines avec une roue arrière boiteuse, qui voyait ses rayons sauter un à un. Je conclus donc cette semaine confiant et impatient de rejoindre le Québec !
« Pour voyager heureux, voyagez léger. »
– Antoine de Saint-Exupéry