Avant de m'attarder à Regina, je décide de prendre la route pour l'extrême sud de la province, afin de rejoindre le parc national des Prairies. J'ai beaucoup hésité à m'y rendre, peut-être un peu échaudé par ma visite du parc national de Prince Albert, parce que ne sachant pas trop à quoi m'attendre en visitant celui-ci et songeant aussi à faire l'économie de quelques 500 kilomètres. Mais je décide malgré tout d'y conduire car, après tout, l'occasion d'y aller ne se représentera jamais plus.
Le parc national des Prairies, établi en 1981, n'est que l'un des deux parcs nationaux que comprend la Saskatchewan. D'une superficie de 500 km², il cherche toujours à s'étendre, en espérant, à terme, occuper une surface de 900 km².
Divisé en deux « blocs », ce parc vise à préserver un environnement naturel qui a quasi disparu en Amérique du Nord : la prairie mixte. Celle-ci ayant, en très grande partie (plus de 70 %), été détruite ou fragmentée au profit de terre cultivables ou de zones urbaines.
En descendant vers le sud, je constate une transformation progressive du paysage : les forêts disparaissent totalement, les prairies se sont plus lointaines et plus sèches. Il m'est difficile d'imaginer le manteau neigeux qui recouvrait cette étendue il y a encore quelques semaines.
Je décide de m'orienter vers le bloc ouest du parc, qui me semble plus riche. Petite surprise en arrivant : aucun frais d’admission n’est demandé ! Bon, j'ai acheté un pass annuel, donc ça m'est un peu égal, mais c'est toujours agréable à savoir ! La visite du parc est relativement simple : une unique route gravillonnée de 80 kilomètre effectue une boucle et donne accès à de nombreux panneaux informatifs sur l'environnement, la faune et la flore. Le trajet rend également accessible une douzaine de sentiers de randonnée, plus ou moins longs.
Dès les premiers kilomètres, je prends la pleine mesure de que je m'apprête à visiter. Cet endroit, ce parc, est tellement différent de tous les parcs que j'ai eu la chance de voir jusque-là. Une prairie peut sembler à première vue banale, insipide, monotone. Mais ce que j'y ai ressenti est à l'opposé de cela. Et difficilement descriptible. Tout d'abord, un sentiment de liberté incroyable m'a parcouru en voyant cette étendu quasi vierge de toute altération humaine. Sentiment exacerbé lorsque j'entame une randonné d'un peu plus de onze kilomètres à travers la prairie, loin de tout, totalement seul. Sentiment exacerbé lorsqu'au détour d'une petite colline, je vois surgir trois cerfs de virginie. Sentiment exacerbé lorsque je prends le temps de contempler le sublime coucher de soleil depuis le sommet du parc.
Et pour rendre l'endroit encore plus exceptionnel, j'ai eu la chance de pouvoir observer, depuis mon véhicule, un petit groupe de quatre bisons qui paissaient le plus tranquillement du monde. Le parc comprend également une très importante population de chiens de prairies, largement visible dans certains secteurs.
Ce que j'ai ressenti en visitant ce parc est certainement très personnel et je doute qu'il procure les mêmes émotions à tout le monde. J'explique d'ailleurs assez difficilement pourquoi j'ai été tant subjugué par cet endroit. Pourquoi il m'a procuré un sourire jusqu'aux oreilles durant toute la durée de ma visite. Probablement parce que, comme dit plus haut, ce parc est si singulier, si différent des autres. Et je commence probablement (et j'ai presque honte de dire ça) à me lasser de voir toujours les mêmes paysages, aussi magnifiques soient-ils. Pour être tout à fait honnête, je pense qu'il n'y avait que les Îles-de-la-Madeleine qui m'avaient autant subjugué jusqu'alors.
J'ai également eu la chance de visiter le parc en tout début de saison estivale. Les visiteurs s'y faisaient très rares, ce qui m'a permis d'apprécier d'avantage la tranquillité du lieu. Enfin, un autre point qui a retenu mon attention est la possibilité de profiter du parc en cheval et la présence d'infrastructures adaptées pour les cavaliers et leur montures, tels que des points d'eau par exemple. Probablement l'une des meilleures manières d'apprécier ce parc national à sa juste valeur !
Remis de mes émotions, je reprends la route en direction de Regina le lendemain matin. Je profite de ces quatre heures de route sur le réseau secondaire pour découvrir une province encore plus rurale. L'agriculture, plus industrielle que familiale, semble omniprésente, tout comme les engins agricoles démesurés.
À environ une heure de route de Regina, je fais une dernière halte à Moose Jaw. J'avais ouïe dire que cette ville était réputée pour avoir été un haut lieu de contrebande durant la période de prohibition aux États-Unis. Al Capone y serait d'ailleurs venu et aurait eu pour intention d'y développer son entreprise d'alcool de contrebande, en profitant d'un large réseau de galeries souterraines. Aujourd'hui, une partie de ces galeries sont accessibles lors de visites guidées. J'avais l'intention d'y participer, mais le prix m'en a malheureusement dissuadé… Malgré tout, j'ai trouvé la ville sympathique et charmante, bien que visiblement très touristique. Elle vaut probablement le coup de s'y attarder afin d'en apprendre d'avantage sur les relations entre la Saskatchewan et les États-Unis durant cette période trouble de l'histoire américaine.
Arrivé en fin d'après-midi à Regina, je décide d'attendre le lendemain pour profiter de la capitale de la Saskatchewan. J'y ai finalement passé près d'une pleine journée ensoleillée à parcourir les rues du centre-ville. Visite que j'ai beaucoup appréciée, notamment car elle m'a permis d'en savoir beaucoup plus sur l'histoire de la province. Il est par exemple intéressant d'apprendre que Regina était initialement la capitale des Territoires du Nord-Ouest, qui occupaient à la fin XIXe siècle la majeure partie du pays, avant de devenir officiellement la capitale de la Saskatchewan, lorsque la province fut établie en 1905. Tout ceci est formidablement expliqué durant la visite guidée gratuite de l'édifice de l'Assemblée législative.
La visite guidée, également gratuite, de la maison du gouverneur est également une belle étape pour s'imprégner encore d'avantage de l'histoire de la province.
Le cœur de la ville est également agréable, alliant modernité, avec quelques tours contemporaines (et relativement modestes en terme de taille), et passé, avec de nombreux bâtiments en briques. Malgré tout, Regina m'est apparu comme une ville finalement peu touristique. J'en veux pour preuve le fait qu'il m'a été impossible de dénicher le moindre magasin de souvenirs, la moindre rue accueillant des commerces purement touristiques. Assez étrange pour une telle ville.
Autre fait intéressant qui m'a été expliqué : la citée a été bâtie sur des pleines vierges. Cela signifie que chaque lac est artificiel et que chaque arbre a été planté à la main, au fil des décennies.
Enfin, la ville de Regina est demeurée le siège de la Gendarmerie royale du Canada, aussi connue comme étant la « police montée royale du Canada ». Ce corps de police est la police fédérale (et provinciale pour les provinces ne disposant pas de leur propre unité de police). Un musée leur est consacré. Bien que celui-ci m'ait été conseillé à plusieurs reprises, le prix du billet d'entrée, même modeste (10$), m'a malheureusement poussé à en faire l'impasse.
En planifiant ma visite de cette province, je ne m'attendais clairement pas à autant l'apprécier. Bien que le nord m'ait apparu comme plus commun, sans réel attrait touristique, j'ai été agréablement surpris par le sud, qui m'a notamment offert des paysages particulièrement nouveaux. Bien qu'un peu loin de toutes les principales métropoles du pays, c'est à n'en pas douter un détour que je conseille !
« Le voyage est un retour vers l'essentiel. »
– Proverbe tibétains