À mon arrivée au Canada, l'un de mes objectifs était de parcourir le pays dans son ensemble, d'essayer de découvrir chacune des dix provinces et chacun des trois territoires que compte le pays. Le territoire du Nunavut n'étant malheureusement accessible que par les airs, à des tarifs rebutants, seul le Yukon manquait encore à mon tableau de chasse (bien que, pour l'heure, je n'ai fait traverser les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan, sans m'y être attardé).
Rallier Whitehorse depuis Vancouver, c'est environ 2400 kilomètres de route. Mais pas 2400 kilomètres de belle autoroute française où tu traces à 130 km/h. Plutôt 2400 kilomètres de route de moyenne montagnes, parfois sinueuses, avec une vitesse maximale moyenne de 80 km/h. Sans les pauses café, pipi, photo, dodo (manger on verra plus tard !), compter donc minimum 30 heures derrière le volant. Suffisamment de temps donc pour contempler des panoramas somptueux et deux magnifiques couchers de soleil. J'ai notamment été subjugué par vallée de Fraser et son canyon, qui m'ont parfois donné la drôle d'impression de parcourir une région aride du sud des États-Unis, alors qu'à peine une heure auparavant, j'observais encore des sommets enneigés.
Comme souvent sur les routes canadiennes, conduire de nuit, sur un tel trajet, n'est pas sans risque. Les routes empruntées traversent de nombreuses forêts, de nombreux parcs et donc, par conséquent, des habitats privilégiés pour une faune importante : orignaux, caribous, cerfs et autres ours. Autant de dangers donc, particulièrement à la nuit tombée, auxquels je n'ai pas échappé… Après avoir eu la chance d'observer à quatre reprises des ours noirs solitaires (ours qui m'avaient échappés depuis mon arrivée au Canada), j'ai eu la mauvaise surprise de voir une femelle orignal traverser devant mon véhicule, dans la nuit noire, au détour d'un virage. J'ai heureusement réussi à sauter sur les freins à temps, mais ça surprend, et ça laisse pantois durant de longues minutes ! Je m'étais à demi-mot promis de ne jamais conduire de nuit, pour éviter ce genre de mésaventure. Je pense que ça m'a servi de leçon !
Les 400 derniers kilomètres vers Whitehorse se font sur la Alaska Highway. Sur ce dernier tronçon se cache un nouveau danger, et non des moindres : les poules. Enfin… leurs nids. La route est un vrai champ de bataille, un vrai gruyère. Elle semble avoir particulièrement souffert de l'hiver.
La route de l'Alaska est longue de 2 451 km. Elle a été construite par le génie de l'armée des États-Unis d'Amérique en 1942, en un temps record de 8 mois, lorsque le Japon a occupé quelques îles Aléoutiennes et qu'une liaison terrestre entre l'Alaska et le reste du continent a été jugée indispensable. Elle a été ensuite constamment améliorée et est désormais entièrement asphaltée.
Source : Wikipédia
Après trois jour de route, deux nuits passées au milieu de nul part, plus de 24 heures sans réseau téléphonique, j'atteins finalement le Yukon, puis sa capitale, Whitehorse.
L'endroit fut une plaque tournante de la ruée vers l'or, à la fin des années 1900, avant de devenir une place stratégique lors de la construction de la route de l'Alaska. Par la suite, Whitehorse s'est essentiellement développé grâce à l'exploitation minière (cuivre, or, argent) et au commerce de la fourrure. Aujourd'hui, la ville dépend toujours de l'exploitation minière au Yukon, mais a également su tirer parti du flot de visiteurs qui vont et viennent d'Alaska. Elle regroupe d'ailleurs 25 000 des 35 000 habitants du territoire.
C'est via la Main Street, où je dépose un auto-stoppeur local embarqué légèrement à l'extérieur de la ville, que je débute ma visite. Cette rue, et quelques autres, ont su conserver un air de far west fort sympathique. Les autres artères de la ville sont quant à elles bien plus contemporaines.
Le centre-ville interpelle également par la présence de nombreuses peintures murales. Toujours agréables à voir, surtout dans une petite communauté comme celle-ci. Presque toutes retracent d'ailleurs l'histoire minière de la ville.
Autre attractivité de la ville, le S.S. Klondike II, bateau à roues à aubes qui transportait des marchandises sur le fleuve Yukon durant la première moitié du XXe siècle. Il
pouvait également pousser jusque trois barges à la fois ! Aujourd'hui transformé en musée, il est visitable durant la saison estivale. Celle-ci n'avait malheureusement pas commencée lors de mon passage.
Non loin du centre-ville se trouve enfin Miles Canyon, curiosité géologique née d'éruptions volcaniques et formée grâce aux rapides du fleuve Yukon. L'endroit, facile d'accès, fut très agréable à parcourir, encore peu touristique durant cet intersaison.
Après trois jours d'une route magnifique, j'ai été agréablement surpris par Whitehorse. Sous certains aspects, la ville ressemble à Fort McMurray : ville d'environ 30 000 habitants, isolée, construite dans une petite vallée, développée grâce à l'exploration minière, avec aujourd'hui toutes les commodités nécessaires. Mais celles-ci n'en restent pas moins totalement différentes. Whitehorse n'est pas aussi austère et s'efforce même de se rendre plus attractive, via quelques musées ou encore l'art urbain. La nature environnante offre également de nombreuses possibilités, tant en été qu'en hiver.
Place désormais à l'Alaska !
« Rien ne développe l'intelligence comme les voyages. »
– Emile Zola