Levés 7h, je ne supporte plus les poules. PDJ au lit dans notre super chambre (surclassés au même prix suite à la mésaventure d'hier). Ce devait être notre dernière nuit ici à Luang Prabang mais la fièvre et le mal de dos de Claire ne diminuent pas… Je vais voir le manager de l'hôtel pour booker une nuit supplémentaire. Aïe l'hôtel est complet, merde. Il finit par trouver une solution en switchant des chambres et en nous laissant dans celle là toujours au même prix, vraiment sympa dans cet hôtel !
Mission : trouver un docteur pour Claire. Après quelques recherches infructueuses sur internet, le manager me conseille une clinique où un docteur parle bien anglais et un peu français selon la légende. La « Phakan's Clinic » est proche de l'hôpital. Ici beaucoup de docteurs travaillent la journée à l'hôpital et s'occupent en parallèle d'une clinique à côté (sur l'heure du repas ou après / pendant la journée officielle). Nous y allons, c'est à 30min de voiture sur chemin très très cabossé. Nous avons booké un minivan pour nous y rendre et nous attendre sur place car il n'y a pas de taxi dans le village voisin où se trouve l'hôpital et la clinique. En chemin, l'odeur de bouffe écœure Claire et l'on croise des dizaines de personnes arborant un long fusil en bois, nous n'en saurons pas plus.
Clinique très clean, rassurant. La petite dame à l'accueil prend la température de Claire encore très fiévreuse, puis sa tension et la mesure aussi (fun fact, ils sont tous petits et son échelle de mesure ne va que jusqu’à 1m80, j’aurais pas pu moi). On voit le docteur Phanomsay qui tient cette clinique, anglophone et sympa.
Au début il ne trouve pas la cause de la fièvre et des maux de dos, premier examen de sang & échographie abdominale… On commence à flipper. Il nous demande d'où l'on vient : Mékong, et avant, Thaïlande. Ils refont un test de sang différent.
L'attente et leurs regards inquiets nous glacent le sang. Réponse affirmative : Claire a chopé la Dengue, putain. Sûrement un moustique lorsque nous observions le port à Pakbeng sur le Mékong. Le summum du stress étant l’air sidéré du médecin lorsque nous ne savions pas ce qu'était la Dengue, il nous répondit « WHAT, YOU REALLY DON'T KNOW THE DENGUE FEVER ?! », l'air de dire que nous avions affaire à la pire maladie du siècle… Apparemment un vaxin existerait mais jamais proposé pourtant à l'institut Pasteur avant le départ. Bon bah c'est parti pour une semaine de douleurs pour Claire, dont le process – pouvant être mortel – nous ait subtilement expliqué par un beau schéma, je n'ai jamais autant détesté un schéma trouvé sur google image. En gros : 3-4 jours de fièvre / état grippal courbatures (maintenant), puis 2-3 jours « critiques » alias de « maxifun » où peut évoluer la maladie et pouvant être mortel, plusieurs semaines de convalescence…si tout va bien.
Gros stress en revenant à l'hôtel la mine défaite. J'essaie de joindre notre assurance voyage avec le téléphone du manager, premier échec car l'appel en France coûte cher et vide son forfait puis se bloque. Je lui achète pour 150000 kip de forfait (15euros, environ 15-20min d'appel), c'est bon et l'assurance me rappelle, on créé le dossier au cas où besoin de rapatriement vers un meilleur hôpital à Bangkok en fonction de Claire pendant la phase « critique » dans quelques jours.
Fin de journée, je vais nous chercher quelques trucs à becter sur le night market pas trop loin. On croise les doigts pour la suite.
L'assurance nous demande un numéro de portable pour nous joindre sur place, je pars donc en quête d'un smartphone cheap et d'un numéro laotien. Le gentil manager m'emmène dans plusieurs boutiques avec son scooter et terminons dans un grand marché assez discret tenu par des chinois. Il fait aussi office de traducteur parfois car leur anglais est aussi sommaire que le mien. J'achète un Samsung un peu naze à 55€ (580000 kip) ainsi que 100 000 kip de forfait (2000 kip la minute pour un appel français…).
Retour hôtel, Claire va un peu mieux mais cela fait parti de cette première phase de Dengue, le plus frustrant est de déjà savoir que l'état se détériorera dans quelques jours… Ça nous fait beaucoup stresser tous les deux, j'en ai même mes premiers poils de barbe blancs (qu'elle m'arrache, ça la déstresse ahah). Je vais nous chercher un dîner : soupe dont je choisis les ingrédients, quelques nems pas très bons et une grosse part de gâteau chocolat-cacahuète. On s'endort plein d'appréhension pour les jours à venir.
La journée commence en apprenant le décès terrible d'un proche ami de l'essca, tristesse.
Claire ne va pas bien, elle se sent « comme un chiffon », sans énergie malgré les médocs prescrits. On retournera voir le médecin tout à l'heure. Je ne pense pas que ce soit le genre de choses bonnes à détailler mais ça me change un peu les idées d’écrire dans nos carnets. Re-prise de sang à la clinique, en 5min c'est plié, efficaces les gars. Bonne nouvelle, Claire a perdu des plaquettes de sang (déroulement normal d'une phase « critique » de Dengue) mais moins que prévu et elle n'a pas (encore ?) de saignements, ouf… Perso, j'ai des hémorroïdes et le docteur me prescrit des suppo' accompagnés d'un clin d'œil et d'une expression assez magique : « eat it by lower », bon app' et merci doc pour ce quart d'heure glamour… Un voyage c'est aussi ça !
Rentrés à l'hôtel, je pratique un peu mon allemand avec Martin le patron allemand. Je pars faire quelques courses habituelles et me rend compte d'une chose : après 5 jours ici en mode « quarantaine », je commence à connaître la ville comme ma poche ainsi que les petites habitudes du quartier : l'heure exacte à laquelle réouvrent les étales de rue (4pm), le marché de nuit ainsi que les restau (5pm), où se trouve le supermarché du coin, où trouver un téléphone bon marché, ou même encore où trouver des tomates cerises, des chocapics et des ananas (hors saison ici), où commander un burger pas trop mal, une bonne pâtisserie ainsi que le service linge le moins cher de la ville, je sais enfin où sont les meilleurs brochettes et où composer sa soupe à l'envie !
Demain est un autre jour !
Claire toujours alitée mais avec de violentes nausées. Je pars en mission bouffe mais elle mange peu, manque d'énergie aussi.
Des maux de tête à nouveau, des nausées, mais ça n'a pas l'air d'empirer car pas de saignements, la fin du calvaire ? La journée passe, on mate quelques séries.
Une semaine déjà enfermés dans le même hôtel à subir la Dengue, on devient dingues ! Je crois que c'est une des facettes les plus compliquées de la maladie, de rester confiner, ça pèse sur l'humeur et le moral. Heureusement à deux on est plus fort et fort heureusement je ne l'ai pas eue en même temps, mais ce huit clos nous pèse d'autant plus qu'il fait un temps superbe dehors. Nous sommes irritables, heureusement en cas de coup de blues nous pouvons penser au métro parisien et à la température subie par nos compères franciliens pour nous remonter le moral !
Au moment où nous pensions avoir passé le plus dur de la maladie, voilà que Claire commence à avoir des saignements, merde.
On retourne donc chez notre docteur préféré, en chemin on découvre que l'endroit où nous avions vu les gens équipés de faux fusils en bois est en fait un vrai centre d'entrainement à la guerre pour adolescents, sympa. Re-analyse de sang, les résultats sont plutôt bons, ouf. S'en suivent de chers dizaines de minutes avec Mondial Assistance qui met des plombes à répondre et demande un paquet de justificatifs avant d'agir, je me permets de leurs préciser « vaut mieux pas être en haut d'une montagne en train de crever avec vous hein ! ». Et c'est vrai, quelle arnaque ces assurances.
Les saignements s'intensifient, claire a des plaques rouge et des petits points blancs sur la peau, cela est d'ailleurs qualifié ici de : « white islands on a red sea », la Dengue n'est pas qualifiée de « fièvre rouge » pour rien ! Ça, l'assurance qui n'assure pas, et le fait de devenir fous enfermés comme deux (lapar-)rats, c'en est trop : on décide de booker un vol retour en France dès le lendemain. La sœur de Claire travaillant au CHU d'Angers et ses parents étant à proximité, c'est aussi plus rassurant de rentrer pour sa convalescence.
Journée stressante à manger des conneries, toujours cloîtrés. Le soir on trouve des billets pour rentrer mais nos banques françaises font encore du zèle à nous envoyer un code de vérification de paiement…sur nos portables français ! On finit donc par le faire par téléphone avec Marie, la sœur de Claire, qui les achète pour nous. Il faut s'imaginer la situation à 00h heure locale pour nous, moi en train d'essayer de capter le faible réseau wifi en caleçon dans les escaliers de l'hôtel au téléphone avec la France pour acheter nos billets et priant que mon forfait laotien ne coupe pas. Pffiou ça passe, et je me suis pas fait cramer tel un ninja en slip. Allez, vivement le retour demain soir.